SEMAINE SAINTE : Vendredi-Saint

Vendredi-Saint : célébration de la Passion du Seigneur

Jusqu’au IVe s., les chrétiens célèbrent la mort et la résurrection du Christ la nuit de Pâques. Le vendredi et le samedi précédents sont des jours de jeûne en préparation à la fête pascale. La liturgie primitive de l’Église ne comporte aucune célébration spéciale attachée à ces deux jours.

Si cela reste toujours le cas pour le samedi, le vendredi connaît, courant IVe s., une liturgie de la parole le soir : lectures et chants, prière solennelle aux intentions des fidèles. Ce schéma est celui des premières liturgies chrétiennes repris à la liturgie juive du sabbat et qui n’inclut pas la célébration de l’eucharistie. La réforme liturgique de Vatican II a restauré l’usage de la liturgie de la parole sans la messe.

La liturgie romaine va ensuite subir l’influence des pèlerinages à Jérusalem. En 380, Égérie rapporte son voyage en Terre Sainte et décrit la liturgie de l’Église de Jérusalem. Celle-ci s’attache aux événements de la passion de Jésus et les restitue dans leur cadre. C’est ainsi qu’apparaît le rite de la vénération des reliques de la croix que l’on vient de retrouver à Jérusalem. Selon la légende, sainte Hélène, mère de Constantin, découvre, en 326, la vraie croix lors de travaux sur le site du Golgotha. A Rome, où on conserve une partie du bois de la croix, des papes orientaux introduisent, fin VIIe-VIIIe s., l’adoration de la croix dans la liturgie du vendredi saint. Au XIIe s., apparaît le rite du dévoilement de la croix que l’on dramatise dans le cadre d’une procession, puis les fidèles viennent baiser la croix avant de communier. On unit ainsi adoration de la croix et communion eucharistique apparue au VIIe s.

Le rite de la communion se pratique en consommant ce qui a été conservé de l’eucharistie célébrée le jeudi saint. Dans la liturgie romaine d’alors, on communie sous les deux espèces. A partir du XIIIe s., seul le célébrant communie, et toujours sous les deux espèces. Lors de la restauration de la semaine sainte en 1955, la communion au seul pain consacré est établie et pour tous les fidèles.

Le vendredi saint a lieu soit en plein air, soit à l’intérieur de l’église, le chemin de croix. Il prend la forme d’une procession ponctuée par sept ou quatorze stations évoquant les principaux épisodes de la passion de Jésus. Le chemin de croix est né à Jérusalem et est transposé en Europe, dans leurs églises ou à l’extérieur, par les Franciscains à partir des XIVe-XVe s. Il est installé dans les églises paroissiales à partir du XVIIIe s. mais la dévotion de la Passion est bien antérieure comme en témoigne ce tableau de 1600 dans l’église de Theux. Petit à petit, surtout au XIXe s., la pratique du chemin de croix à quatorze stations va se répandre et devenir un rite important du vendredi saint à 15h, heure traditionnelle de la mort de Jésus.

Abbé Marcel Villers

Illustration : Chemin de croix de S. Köder

ART ET FOI. VENDREDI-SAINT : la croix ou l’art d’aimer

Cette douzième station du chemin de croix de l’église de Jehanster est l’œuvre des ateliers de Maurice Denis (1870-1943), peintre français rénovateur de l’art religieux chrétien. Fruit d’un mécénat privé, ce chemin de croix fut installé en 1924 dans l’église dont il constitue une des pièces remarquables.

Observons la scène et méditons.
La croix de Jésus est élevée entre deux brigands.
Au-dessus de la croix de Jésus, une inscription en trois langues (hébreu, grec, latin) : « Jésus le Nazaréen, roi des Juifs ».
Le monde est plongé dans l’obscurité. L’ancien monde craque sous le feu du ciel. Le bois de la croix semble en flammes.
Le centurion prend sa tête entre les mains dans un geste de désespoir.
Au pied de la croix, Marie-Madeleine, à genoux, est en prière.
De l’autre côté, Marie, une parente, et Jean, soutiennent la mère de Jésus dont le corps penche vers son enfant.

« Les visages sont esquissés, les silhouettes sommaires. La nuit a recouvert le monde et les êtres. Seul le visage de Jésus est dessiné dans une infinie précision comme si son corps ne devait jamais se corrompre. » (Paule AMBLARD-Maurice DENIS, Le chemin de croix de Jésus, Paris, 2015)

Visage paisible du Christ : ce n’est pas la souffrance qui nous sauve, mais l’amour.

« Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne. » (Jn 10, 18)

Abbé Marcel Villers