Clés pour lire Jean : 30. Dieu Trinité

Clés pour lire l’évangile de Jean

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. En cette fête de la Trinité, nous lisons : Jn 3, 16-18.

30. Dieu est amour

Dieu a tant aimé le monde (Jn 3,16)

Ce que le chrétien a en propre, il le proclame chaque fois qu’il se signe : « Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ». De même au début de la messe, vient ce souhait, repris de St. Paul : « La grâce de Jésus notre Seigneur, l’amour de Dieu le Père et la communion de l’Esprit Saint soient toujours avec vous. »

Cette dernière formule explicite le signe de croix. Elle commence par Jésus. Normal, car pour les chrétiens, Jésus est premier. C’est par lui et en lui que Dieu vient à nous. En ce sens, Jésus est la « grâce », le cadeau, le don de Dieu, et, de ce fait, nous révèle qui est Dieu : un Père qui, par amour, nous livre son Fils. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. »

Si Dieu vient à nous par et en Jésus, il est aussi vrai que c’est à partir de Jésus, de sa personne, de ses actes, que le chrétien va vers Dieu. Il faut donc sans cesse revenir à Jésus et reprendre ce qu’il a dit, ce qu’il a accompli pour découvrir, caché sous l’obscurité de la chair de cet homme, la présence de Dieu.

Voilà le travail de l’Esprit-Saint : « Il vous guidera vers la vérité toute entière… il reprendra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. »

Et Dieu dans tout ça ?
Toutes les religions cherchent à exprimer leur différence par une nomination de leur Dieu qui soit caractéristique, significative de leur originalité. Il y va de leur identité. Car quand on dit : « Dieu », que dit-on ? Sous ce mot, les religions et les philosophes entendent des choses bien différentes.
Les Juifs, par respect pour la grandeur de Dieu, ne prononcent jamais son nom. Connaître le nom, n’est-ce pas déjà avoir prise sur quelqu’un ? Or l’être humain ne peut prétendre s’emparer de Dieu.
Les Musulmans répètent inlassablement que « Dieu est plus grand », « Allah akbar ». Plus grand que tout ce que l’homme peut en imaginer, en concevoir, en dire. Reste à l’adorer.
Le bouddhiste exclut toute référence à Dieu et est, au sens premier du mot, athée. Pour lui, de Dieu on ne peut rien dire. Les discours sur Dieu ne sont qu’une manière de fuir le vrai problème de l’homme qui est purement pratique : comment se libérer de tout attachement et de tout désir.
En Occident, les philosophes ont construit le concept « Dieu ». Dieu, un Être supérieur, au-dessus et à l’extérieur de nous. Dieu, un Principe abstrait, parfait et autosuffisant. On comprend qu’on ait pu conclure que l’homme a fait Dieu à son image, à son idée. Au bout du processus, inévitablement, il reste à constater que « Dieu est mort ». Il n’est qu’une projection, un double de l’homme.

Abbé Marcel Villers

SOURCES : 7. Passion d’amour

Question de sources

Voici une nouvelle rubrique hebdomadaire où il est question de sources, celles qui nous font vivre, celles qui donnent sens à notre action, celles qui contribuent à construire notre identité. Nous nous inscrivons dans une histoire riche et variée. Notre identité relève des Évangiles mais aussi d’un patrimoine spirituel immense exprimé sous diverses formes, monumentales, littéraires, artistiques.
Aujourd’hui comme hier, nous avons besoin de boire à ces sources pour vivre et donner sens à notre engagement. Nous irons en particulier à la découverte des Pères de l’Église. Chaque semaine, nous vous proposerons un texte à lire, méditer, prier.
Abbé Marcel Villers


Une passion d’amour

Le cœur de la foi chrétienne, c’est la reconnaissance que Jésus est l’exégète du Père. « Dieu, nul ne l’a jamais vu ; le Fils unique qui est dans le sein du Père, lui, s’en est fait l’interprète. » (Jn 1,18)

Et cependant, en Jésus, le mystère de Dieu est tout autant voilé que dévoilé. En effet, le Dieu inaccessible se révèle dans un Crucifié, scandale pour la raison comme pour la religion. C’est que Jésus « n’a pas été envoyé seulement pour être reconnu, mais aussi pour demeurer caché. » (Origène, Contre Celse, 2, 67) Oui, Dieu reste un Dieu caché. La croix déconcerte nos définitions et nos attentes.

En Jésus, la gloire est inséparable de la kénose, la divinité de l’humain, la vie de la mort. Comment saisir l’identité écartelée du Très-Haut et de la Croix, du Dieu Tout-Puissant et de l’Homme de douleurs ? Peut-être en y discernant la révélation de l’amour fou de Dieu pour l’humain.

« Si le Christ est descendu sur terre, c’est par compassion pour l’humain. Oui, il a souffert nos souffrances avant même d’avoir pris notre chair. Car s’il n’avait souffert, il ne serait pas venu partager avec nous la vie humaine. Mais quelle est cette passion qu’il a ressentie pour nous ? C’est la passion de l’amour. » (Origène, Sixième homélie sur Ezéchiel, 6, 6)

Compassion, passion. On dirait aujourd’hui : solidarité. Solidarité d’amour qui sollicite humblement et discrètement notre propre amour. Solidarité ontologique avec l’humain qui fait de Jésus notre frère. En vertu de cette solidarité d’être et d’amour, le Christ Jésus a pris sur lui toute la haine, la révolte, la dérision, le désespoir, tous les meurtres, toutes les tortures, toutes les agonies des hommes pour les remettre entre les mains du Père.
Alors la vie absorbe la mort, la haine se consume dans l’abîme de l’amour. Et l’univers est restauré, l’homme rénové.

Abbé Marcel Villers


Origène (185-254) reçoit une formation littéraire et théologique solide à Alexandrie où il est bientôt chargé d’enseignement dans l’École catéchétique. Il s’établit ensuite à Césarée, en Palestine, où il enseigne et prêche. Il devient prêtre et poursuit une œuvre considérable surtout dans le domaine de l’exégèse biblique. Interdit à Alexandrie, il poursuit son enseignement en Palestine et Syrie. Il meurt martyr à Tyr.

Clés pour lire l’évangile de Luc

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile. Cette semaine, nous poursuivons la lecture continue de Luc : Lc 7, 11-17.

27. Dieu a visité son peuple

Je te l’ordonne, lève-toi. Alors le mort se redressa. (Lc 7, 15)

C’est un convoi funèbre que rencontrent Jésus entouré de ses disciples. Le cortège du Seigneur, le cortège du Vivant, rencontre celui de la mort. Cette veuve qui porte en terre son fils unique représente le cortège immense de toutes les misères de l’humanité.

« Voyant cette femme, le Seigneur fut saisi de compassion pour elle et lui dit : Ne pleure pas. » (7, 13) Devant cette détresse, immédiatement, Jésus est saisi de pitié. Il est ému jusqu’aux entrailles et pris d’une immense compassion pour la douleur de la veuve.Toute la vie de Jésus se résume dans cet amour et sa parole efficace : « Jeune homme, je te l’ordonne, lève-toi. » (7,14) Aussitôt, « le mort se redressa et se mit à parler. » (7,15)

Alors tous rendent gloire à Dieu parce que « Dieu a visité son peuple » (7, 16). Voilà comment les contemporains de Jésus comprenaient ses gestes et ses paroles, comme une visite du Seigneur lui-même.

Le vocabulaire de la résurrection 

« Les verbes que nous traduisons solennellement par « ressusciter » renvoient en grec à des actions ordinaires : se lever, se réveiller, se mettre debout. L’ange Gabriel en use avec Joseph : Lève-toi, prends l’enfant et sa mère (Mt 2, 13). Jésus, avec le paralytique : Lève-toi, prends ton brancard et marche (Mc 2, 9). Tenir sur ses deux jambes, quoi de plus banal ? Seul un ex-paralytique peut nous rappeler que c’est un privilège. Et un privilège redoublé par le fait d’y ajouter ses bras et d’être passé de grabataire à brancardier. Car le lit qui naguère le transportait, l’ancien paralytique le transporte à présent. » (Fabrice HADJADJ, Résurrection, mode d’emploi, 2016).

Abbé Marcel Villers