SOURCES : 39. VIE ET MORT

SOURCES

Dans cette rubrique, il est question de sources, celles qui nous font vivre, celles qui donnent sens à notre action, celles qui contribuent à construire notre identité.  Aujourd’hui comme hier, nous avons besoin de boire à ces sources pour vivre et donner sens à notre engagement.  Chaque jeudi, vous est proposé un texte à lire, méditer, prier.

Abbé Marcel Villers

39. La vie et la mort, c’est tout un

« Vous voudriez connaître le secret de la mort.
Mais comment le trouverez-vous sinon en le cherchant dans le cœur de la vie ?
La chouette dont les yeux faits pour la nuit sont aveugles le jour ne peut dévoiler le mystère de la lumière.
Si vous voulez vraiment contempler l’esprit de la mort, ouvrez amplement votre cœur au corps de la vie. Car la vie et la mort sont un, de même que le fleuve et l’océan sont un.

Votre peur de la mort n’est que le frisson du berger lorsqu’il se tient devant le roi dont la main va se poser sur lui pour l’honorer. Le berger ne se réjouit-il pas sous son tremblement, de ce qu’il portera l’insigne du roi ? Pourtant n’est-il pas conscient de son tremblement ?

Car qu’est-ce que mourir sinon se tenir nu dans le vent et se fondre dans le soleil ?
Et qu’est-ce que cesser de respirer, sinon libérer le souffle de ses marées inquiètes, pour qu’il puisse s’élever et se dilater et rechercher Dieu sans entraves ?

C’est seulement lorsque vous boirez à la rivière du silence que vous chanterez vraiment.
Et quand vous aurez atteint le sommet de la montagne, vous commencerez enfin à monter.
Et lorsque la terre réclamera vos membres alors vous danserez vraiment. »

(Khalil Gibran, Le prophète, 1956)

___________________________________________________________________

KHALIL GIBRAN (1883-1931), poète libanais, chrétien maronite mais aimant le prophète arabe. D’un mysticisme syncrétique, son recueil de textes poétiques, « Le Prophète », devint particulièrement populaire pendant les années 1960 dans le courant de la contre-culture et les mouvements «New Âge ».

Clés pour lire Jean : 26. Le chemin

Clés pour lire l’évangile de Jean

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean.
Alleluia ! Il est ressuscité ! Pour nous, il est le chemin, la vérité et la vie, comme il le révèle à Thomas :  Jn 14,1-12 du 5e dimanche de Pâques.

26. Je suis le chemin

Pour aller où je vais, vous connaissez le chemin.
(Jn 14,4)

A Thomas qui demande le chemin, Jésus répond : « Je suis le chemin, la vérité et la vie. Personne ne va vers le Père sans passer par moi. » (14,6) Si nous voulons connaître le Père, nous devons passer par Jésus. Il est le chemin qui conduit au Père, à Dieu.

« Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. » (14,8) Avec Philippe, c’est le désir de tout homme qui s’exprime : voir Dieu. Voilà qui comblerait l’inquiétude du cœur humain. Vient la réponse surprenante de Jésus : « Celui qui m’a vu a vu le Père. » (14,9)

Philippe peut être satisfait car il l’a vu, l’homme Jésus. Mais il n’a rien vu d’autre en Jésus que Jésus. C’est ce que lui reproche ce dernier : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! » (14,9)
Et Jésus ajoute : « Comment peux-tu dire : Montre-nous le Père ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! » (14,9-10)
On est passé du voir au connaître et enfin au croire. Telles sont les étapes du chemin.

EGO EIMI : JE SUIS
Dans la bouche de Jésus, cette formule utilisée par l’évangéliste Jean présente trois cas :
– « Je Suis » en absolu (en Jn 8,24.28.58 ; 13,19). L’expression se rattache à l’unicité de Dieu : « Je Suis Dieu et il n’y en a pas d’autre » (Esaïe 43,11). Cette expression s’appuie sur Ex 3,14 où Dieu dévoile le nom divin à Moïse.
– « Je » comme attribut (Jn 6,20 ; 18,6) ; on traduit alors par « c’est moi » comme s’il s’agissait d’une simple parole de reconnaissance ; dans ces cas, Jésus manifeste simplement qui il est.
– « Je suis » avec un prédicat : « pain de vie » (Jn 6), « lumière du monde » (8,12 ; 9,5), « la porte » (10,7.9), « le bon berger » (10, 11.14), « la résurrection et la vie » (11,25), « le chemin, la vérité et la vie » (14,6), « la vigne » (15,1.5). Même avec un prédicat, « je suis » n’élimine pas toute référence au « Je suis » divin. Ces prédicats évoquent les biens que l’homme recherche et que le Christ lui obtient. » (Jean-Pierre LÉMONON, Pour lire l’évangile selon saint Jean, 2020)

    Abbé Marcel Villers  

CLÉS POUR LIRE JEAN : 18. L’AMI

Clés pour lire l’évangile de Jean

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier l’évangile de Jean. Nous lisons ce 5ème dimanche de carême : Jn 11, 1-45. Le carême aboutit au mystère pascal qui fait l’être chrétien : avec le Christ passer par la mort à la résurrection.

L’ ami Lazare

Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra. (Jn 11,25)

Comme Lazare, nous sommes des morts murés dans leur tombeau. « Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai sortir », promet le Seigneur par la bouche d’Ezéchiel. Et Jésus de réaliser la promesse : « Lazare, viens dehors ! » (11, 43) Nous sommes au cœur de la foi chrétienne que nous célébrons à Pâques. Mystère central pour comprendre ce qu’est l’homme, ce qui nous est promis par le Christ et nous est obtenu par la foi : « Je suis la résurrection et la vie. Crois-tu cela ? » (11, 25)

« Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. » (11, 25) Lazare était mort et il est ressuscité par la parole de Jésus. Ressuscité ou plutôt ramené à la vie. A cette vie. Car Lazare devra mourir une seconde fois. Et, au terme de ce monde, il connaîtra la résurrection définitive. Il y a donc plusieurs morts et plusieurs résurrections. Pour le christianisme, mort et résurrection rythment l’existence humaine et non seulement sa phase terminale. C’est tous les jours qu’il nous faut mourir et ressusciter, nous réveiller, nous libérer. Le sens, le but de toute vie chrétienne : mourir et ressusciter avec le Christ.

Lazare et ses sœurs
Le nom de Lazare est assez commun au premier siècle ; c’est une forme abrégée de Éléazar, qui signifie « Dieu est secourable ». C’est le nom du frère de Marthe et Marie de Béthanie, village situé sur le flanc oriental de la colline du mont des Oliviers, à 3-4 km de Jérusalem, près de la route qui descend de Jérusalem vers Jéricho. Cela explique la présence de nombreux Juifs venus de Jérusalem consoler les deux sœurs. Marthe apparaît dans tout ce récit comme le répondant féminin du « disciple que Jésus aimait », la disciple par excellence, le type du croyant parfait. Au verset 5, Marthe est nommée la première parmi ceux que Jésus aimait, c’est-à-dire parmi ses disciples. Elle proclame le credo de base, la foi de l’Église : « Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, Celui qui vient dans le monde. » (11, 27) (ACEBAC, Les Évangiles, 1983)

Abbé Marcel Villers

Clés pour lire l’évangile de Jean : 35. Apologie

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. Nous poursuivons la lecture continue de l’évangile. Jésus fait son apologie face à la contestation de son action : Jn 5, 19-30.

35. Apologie

« Le Fils ne peut rien faire de lui-même, il fait ce qu’il voit faire par le Père. » (Jn 5,19)

Face à ses adversaires, Jésus justifie ses actes, les guérisons opérées. Ce sont des œuvres de vie faites en accord total avec le Père. « Comme le Père relève les morts et les fait vivre, ainsi le Fils, lui aussi, fait vivre qui il veut. » (5,21) S’il y a identité d’ouvrage entre le Père et le fils, « ce que fait le Père, le Fils le fait pareillement » (5,19), il y a totale dépendance du Fils envers le Père : « je ne peux rien faire de moi-même… je ne cherche pas à faire ma volonté, mais le vouloir de celui qui m’a envoyé. » (5,30). Tout le mystère de Jésus est ici dévoilé.

Il est le jugement en personne : « Qui écoute ma parole et croit à celui qui m’a envoyé a la vie éternelle… il est passé de la mort à la vie. » (5, 24) C’est ici et maintenant face à Jésus que se joue l’éternité. La résurrection des morts à la fin des temps n’est que l’accomplissement de ce que déjà aujourd’hui la parole de Jésus opère car elle est vie.

 Vie dans le quatrième évangile

« En saint Jean, « Vie » est un terme-clé, il comporte 36 occurrences dont 17 fois « vie éternelle ». Le verbe « vivre » apparaît sous des formes diverses, notamment aux chapitres 4 et 6. Cette famille linguistique est caractéristique de l’évangile selon Jean pour qui la vie, c’est bien plus que la vie humaine. « Vie » a souvent le même sens que vie éternelle. La vie éternelle consiste dans la connaissance du Père qui se réalise par la médiation du Fils, son envoyé, c’est l’équivalent du salut. Là où les synoptiques parlent du Royaume, du Règne, Jean évoque la vie éternelle. Le Père donne la vie au Fils qui peut alors la communiquer. Pour les rabbins, l’attachement à la Torah est source de vie. La communauté johannique attend la vie des paroles de Jésus et du commandement du Père. Foi et vie sont liées ; la vie éternelle suppose la foi. » (Jean-Pierre LÉMONON, Pour lire l’évangile selon saint Jean, 2020)

Abbé Marcel Villers