SOURCES : 26. Le reconnaître

Dans cette rubrique, il est question de sources, celles qui nous font vivre, celles qui donnent sens à notre action, celles qui contribuent à construire notre identité.  Aujourd’hui comme hier, nous avons besoin de boire à ces sources pour vivre et donner sens à notre engagement.  Chaque jeudi, vous est proposé un texte à lire, méditer, prier.

Abbé Marcel Villers

 

LA RECONNAISSANCE DU RESSUSCITÉ

 « Reconnaître le Ressuscité se trouve au cœur du mystère pascal. Cela exprime la metanoia, le changement radical du regard qui fait de nous des croyants.

Ce changement exige parfois une longue préparation, comme pour les disciples sur le chemin d’Emmaüs.
Et il ne supprime pas pour autant les difficultés et les souffrances de notre existence personnelle et collective : il est très significatif que ce soient justement les marques de sa souffrance qui expriment la continuité entre le Crucifié et le Ressuscité.

Reconnaître le Christ ressuscité, c’est voir, en plein cœur des douleurs et des impasses de notre monde, un Amour capable de donner sens à l’existence, un chemin vers la plénitude de Dieu.

C’est être bouleversé par la découverte que, là où l’on ne voyait que tristesse et désespoir, une nouvelle naissance avait déjà lieu : « C’était bien lui et je ne le savais pas ».
(Frère Roger, Cherchez et vous trouverez, 2004)

 

ROGER SCHUTZ (1915 à 2005), protestant d’origine suisse, fils de pasteur. Il s’installe en France en 1940, dans le village de Taizé où il fonde une communauté monastique œcuménique. 

HOMELIE PASCALE : Il n’y rien à faire

Dimanche de Pâques. Theux. 9 avril 2023

Que la grâce et la paix de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus, soient toujours avec vous.

En ce jour très saint, nous proclamons que Jésus est passé de la mort à la vie, de la nuit du tombeau à la lumière du royaume.
Il est ressuscité, il s’est relevé, il est le Vivant, le Vainqueur de la mort.

C’est aujourd’hui la fête du Grand Passage, de la Pâque : le Christ a ouvert une brèche dans le mur de la Mort.
Il est passé. Il est le premier.
Suivons-le, il nous conduit dans le Royaume du Père éternel.

Le Cierge pascal symbolise le Christ debout, élevé par le Père. Comme ce cierge, le Christ est Lumière. Il éclaire et donne sens à la marche des hommes : nous sommes faits pour la lumière et non les ténèbres, pour la vie et non pour la mort.

Et cela nous engage à la suite de Jésus.
La mémoire de sa Résurrection fonde l’engagement chrétien et sa puissance critique à l’égard de tout ce qui écrase ou humilie l’être humain. En effet, la résurrection de Jésus est le retournement par Dieu du jugement des hommes.
Le crucifié est reconnu comme le juste assassiné.
Ainsi Dieu prend parti pour l’exclu, le rejeté, l’écrasé et l’humilié. Voilà qui donne son caractère subversif à la mémoire chrétienne. Elle met en péril l’assurance des puissants, des installés et brise l’enchantement de la pensée dominante.

Il n’y a plus rien à faire…
Son ami, son maître est mort. Elle l’a vu agoniser sur une croix, elle l’a enseveli dans le tombeau. Mais le plus dur à vivre, c’est le lendemain, lorsque l’absence se fait si lourde à porter. A jamais faudra-t-il vivre sans le voir, sans le toucher, sans sa présence ? Nous avons tous connu ce sentiment de vide après la mort d’un être aimé.

 Il n’y a plus rien à faire…
Sauf peut-être aller encore une fois sur la tombe de l’aimé, s’y recueillir, prier, et surtout se replonger dans les souvenirs, se laisser aller à la nostalgie d’un temps qui n’est plus. Ainsi, « de grand matin, alors qu’il fait encore sombre » – dans son cœur comme dans la ville – Marie-Madeleine se met en route et se rend au tombeau.

Il n’y a plus rien à faire…
Combien de fois avons-nous entendu ou prononcé nous-mêmes cette parole qui peut n’être qu’un constat ou l’expression d’un découragement, pire d’un désespoir !

Il n’y a plus rien à faire…
quand nous avons l’impression d’être pris dans un engrenage inexorable, pris dans des événements qui nous échappent : catastrophes climatiques, migrants et réfugiés laissés à la rue, hausses des prix et afflux aux restos du cœur ou des Saint-Vincent-de-Paul.

 Que faire ? « Que voulez-vous qu’on fasse ? Il n’y a rien à faire. » Voilà ce que nous répétons si souvent.
Il nous arrive si facilement de baisser les bras, tant il paraît surhumain de briser ces engrenages, de faire reculer les limites du possible.

Et pourtant.
C’est dans ce : « et, pourtant » que réside la capacité d’action de notre foi en la résurrection. Le dernier mot n’est pas « il n’y a rien à faire » car ce matin-là, la pierre a été enlevée du tombeau.

Proclamer que le Christ est ressuscité, ce n’est pas énoncer un fait du passé, c’est prendre un engagement dans l’aujourd’hui. C’est refuser le « il n’y a rien à faire ». C’est s’opposer à tout ce qui entrave l’homme. C’est défendre l’autre, écrasé ou opprimé. C’est accepter de toujours recommencer. C’est ne jamais céder au découragement. C’est croire que l’avenir est ouvert. C’est prendre des chemins nouveaux.
La résurrection est un principe d’action.

Le soleil se lève et roule la pierre qui scellait nos tombeaux.

Abbé Marcel Villers

Il est ressuscité. Alleluia !

Que le ciel se réjouisse, que la terre soit dans l’allégresse,
que le monde soit en fête, tout le monde visible et invisible, car le Christ est ressuscité, lui, l’éternelle allégresse.

De la mort, célébrons la destruction et de l’enfer, la ruine. D’une vie nouvelle immortelle, chantons avec élan l’Auteur.

O Christ, O Sagesse, O Verbe de Dieu,
donne-nous de t’être unis dans une plus grande vérité,
au jour sans déclin de ton Royaume.

Bonne fête de Pâques !

Texte extrait de la liturgie byzantine.

Illustration : Vitrail du choeur de l’église de Theux. Oeuvre de M. Osterath, 1885. Il figure le Christ ressuscité, porteur des plaies (au côté et aux mains) de sa passion, revêtu de blanc (résurrection) sur fond rouge (passion, mort), tenant un bâton surmonté de la croix glorieuse et porteur du fanion de la victoire.

CLÉS POUR LIRE JEAN : 18. L’AMI

Clés pour lire l’évangile de Jean

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier l’évangile de Jean. Nous lisons ce 5ème dimanche de carême : Jn 11, 1-45. Le carême aboutit au mystère pascal qui fait l’être chrétien : avec le Christ passer par la mort à la résurrection.

L’ ami Lazare

Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra. (Jn 11,25)

Comme Lazare, nous sommes des morts murés dans leur tombeau. « Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai sortir », promet le Seigneur par la bouche d’Ezéchiel. Et Jésus de réaliser la promesse : « Lazare, viens dehors ! » (11, 43) Nous sommes au cœur de la foi chrétienne que nous célébrons à Pâques. Mystère central pour comprendre ce qu’est l’homme, ce qui nous est promis par le Christ et nous est obtenu par la foi : « Je suis la résurrection et la vie. Crois-tu cela ? » (11, 25)

« Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. » (11, 25) Lazare était mort et il est ressuscité par la parole de Jésus. Ressuscité ou plutôt ramené à la vie. A cette vie. Car Lazare devra mourir une seconde fois. Et, au terme de ce monde, il connaîtra la résurrection définitive. Il y a donc plusieurs morts et plusieurs résurrections. Pour le christianisme, mort et résurrection rythment l’existence humaine et non seulement sa phase terminale. C’est tous les jours qu’il nous faut mourir et ressusciter, nous réveiller, nous libérer. Le sens, le but de toute vie chrétienne : mourir et ressusciter avec le Christ.

Lazare et ses sœurs
Le nom de Lazare est assez commun au premier siècle ; c’est une forme abrégée de Éléazar, qui signifie « Dieu est secourable ». C’est le nom du frère de Marthe et Marie de Béthanie, village situé sur le flanc oriental de la colline du mont des Oliviers, à 3-4 km de Jérusalem, près de la route qui descend de Jérusalem vers Jéricho. Cela explique la présence de nombreux Juifs venus de Jérusalem consoler les deux sœurs. Marthe apparaît dans tout ce récit comme le répondant féminin du « disciple que Jésus aimait », la disciple par excellence, le type du croyant parfait. Au verset 5, Marthe est nommée la première parmi ceux que Jésus aimait, c’est-à-dire parmi ses disciples. Elle proclame le credo de base, la foi de l’Église : « Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, Celui qui vient dans le monde. » (11, 27) (ACEBAC, Les Évangiles, 1983)

Abbé Marcel Villers