CLÉS POUR LIRE JEAN : 18. L’AMI

Clés pour lire l’évangile de Jean

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier l’évangile de Jean. Nous lisons ce 5ème dimanche de carême : Jn 11, 1-45. Le carême aboutit au mystère pascal qui fait l’être chrétien : avec le Christ passer par la mort à la résurrection.

L’ ami Lazare

Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi vivra. (Jn 11,25)

Comme Lazare, nous sommes des morts murés dans leur tombeau. « Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai sortir », promet le Seigneur par la bouche d’Ezéchiel. Et Jésus de réaliser la promesse : « Lazare, viens dehors ! » (11, 43) Nous sommes au cœur de la foi chrétienne que nous célébrons à Pâques. Mystère central pour comprendre ce qu’est l’homme, ce qui nous est promis par le Christ et nous est obtenu par la foi : « Je suis la résurrection et la vie. Crois-tu cela ? » (11, 25)

« Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. » (11, 25) Lazare était mort et il est ressuscité par la parole de Jésus. Ressuscité ou plutôt ramené à la vie. A cette vie. Car Lazare devra mourir une seconde fois. Et, au terme de ce monde, il connaîtra la résurrection définitive. Il y a donc plusieurs morts et plusieurs résurrections. Pour le christianisme, mort et résurrection rythment l’existence humaine et non seulement sa phase terminale. C’est tous les jours qu’il nous faut mourir et ressusciter, nous réveiller, nous libérer. Le sens, le but de toute vie chrétienne : mourir et ressusciter avec le Christ.

Lazare et ses sœurs
Le nom de Lazare est assez commun au premier siècle ; c’est une forme abrégée de Éléazar, qui signifie « Dieu est secourable ». C’est le nom du frère de Marthe et Marie de Béthanie, village situé sur le flanc oriental de la colline du mont des Oliviers, à 3-4 km de Jérusalem, près de la route qui descend de Jérusalem vers Jéricho. Cela explique la présence de nombreux Juifs venus de Jérusalem consoler les deux sœurs. Marthe apparaît dans tout ce récit comme le répondant féminin du « disciple que Jésus aimait », la disciple par excellence, le type du croyant parfait. Au verset 5, Marthe est nommée la première parmi ceux que Jésus aimait, c’est-à-dire parmi ses disciples. Elle proclame le credo de base, la foi de l’Église : « Seigneur, je crois que tu es le Christ, le Fils de Dieu, Celui qui vient dans le monde. » (11, 27) (ACEBAC, Les Évangiles, 1983)

Abbé Marcel Villers

Clés pour lire l’évangile de Jean : 39. Pain de vie

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. Nous poursuivons la lecture continue de l’évangile. Jésus invite à la foi : Jn 6, 24-35 du 18e dimanche ordinaire.

39. Le pain de vie

« Travaillez non pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle. » (Jn 6,27)

Pourquoi les foules cherchent-elles Jésus ? « Vous me cherchez parce que vous avez mangé du pain et que vous avez été rassasiés. » (6,26) Souvent, nous aussi cherchons Jésus, non pour lui-même, mais pour le pain, le bénéfice que nous pouvons en retirer. Nous nous rendons alors incapables d’accéder à Jésus. Il nous échappe, comme à la foule. Jésus n’est pas venu pour satisfaire nos besoins, il se situe sur un autre plan : « travaillez pour la nourriture qui demeure. » (6,27) Mais qu’entendre par « travailler » ? « L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. » (6,29) Ce que Dieu demande, c’est la foi.  Notre véritable travail, c’est croire.

La nourriture qui demeure, le pain de vie, c’est Jésus lui-même et la foi seule permet d’y accéder. « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura plus jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif. » (6,35) Le don que Dieu fait aux hommes, « le pain venu du ciel qui donne la vie au monde » (6,33), c’est Jésus, et Jésus seul.

Le pain du Fils de l’homme que Dieu le Père a marqué de son sceau

« Le Fils de l’homme est, dans la tradition juive, un être personnel ou collectif qui comporte des traits messianiques. Dans l’évangile de Jean, le Fils de l’homme est descendu du ciel pour mettre les êtres humains en communication avec le Père, ce qui est possible puisqu’il vient d’ailleurs. Il sera élevé sur la croix d’où il ouvre le salut pour tous les hommes. Le Fils de l’homme donne la nourriture qui demeure en vie éternelle (6,27). Pour avoir la vie, il faut manger la chair du Fils de l’homme (6,53), c’est-à-dire de celui qui, élevé, a été glorifié. Le Fils de l’homme a reçu le sceau du Père lors de son baptême ; le sceau est le signe d’appartenance, la marque de l’Esprit qui demeure sur Jésus et conduit Jean Baptiste à reconnaître le Messie. » (D’après Jean-Pierre LÉMONON, Pour lire l’évangile selon saint Jean, 2020)

Abbé Marcel Villers

Clés pour lire l’évangile de Jean : 1. Pour que vous croyiez

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons cette année fournir des clés pour ouvrir et apprécier l’évangile de Jean. Il n’y a pas d’année liturgique centrée sur Jean, comme c’est le cas pour Matthieu, Marc et Luc. Nous ferons donc une lecture continue de Jean en tâchant de faire des liens avec l’année liturgique. Au long de l’Avent, nous méditerons le prologue (Jn 1, 1-18) qui ouvre l’évangile et est lu entièrement, chaque année, le jour de Noël. Avant cela, cette semaine, nous présentons l’évangéliste et ses objectifs : Jn 20, 30-31 ; 21, 24-25.

1. Pour que vous croyiez

Il y a beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples. (Jn 20,30)

L’objectif de l’évangéliste est clairement exprimé : « pour que vous croyiez » (20, 31). En effet, l’évangile est un livre écrit par un croyant pour susciter ou renforcer la foi d’autres croyants. Ce n’est pas une biographie, ni un livre d’histoire. Ce que l’évangéliste rapporte, c’est un choix parmi les faits et gestes de Jésus, un choix pour deux raisons.

D’abord parce qu’il y a beaucoup d’autres choses que Jésus a faites ; et s’il fallait écrire chacune d’elles, je pense que le monde entier ne suffirait pas pour contenir les livres qu’on écrirait. » (21, 25) Ensuite et surtout, parce que l’évangéliste a choisi de rapporter des « signes que Jésus a faits » (20, 30). Un signe, c’est un acte révélateur de la véritable identité de Jésus « le Christ, le Fils de Dieu ». (20, 31) Un signe, c’est une interprétation, celle des disciples, dont Jean qui « témoigne de ces choses et les a écrites, et nous savons que son témoignage est vrai » (21, 24).

L’auteur du quatrième évangile

En Syrie d’abord, puis en Asie-Mineure, à Éphèse, le disciple bien-aimé est la figure fondatrice de communautés et à la source d’un cercle théologique ou école johannique. On y recueille et travaille les traditions transmises par Jean au sujet de Jésus. « Si le disciple bien-aimé est le fondateur de l’école johannique, il est en revanche peu probable qu’il soit l’auteur de l’évangile. Il faut penser à un rédacteur distinct de lui, plus jeune d’une génération et que l’on nomme d’ordinaire l’évangéliste qui écrit au nom du disciple bien-aimé. La contribution décisive de l’évangéliste est d’avoir mis les traditions johanniques en récit. Quand a-t-il composé son œuvre ? Le seul contexte historique qui soit explicitement évoqué dans l’évangile est l’affrontement des disciples avec la synagogue et leur exclusion de celle-ci que l’on situe dans les années 80-90. Cette rupture provoqua une crise d’identité à laquelle répond l’évangile en restructurant la foi défaillante des communautés. » (Jean ZUMSTEIN, L’Évangile selon saint Jean, 2014)

Abbé Marcel Villers

5e dimanche de Pâques. Jn 14, 1-12 : voir Dieu

Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. 

Avec Philippe, c’est le désir de tout homme qui s’exprime : voir Dieu, le connaître, le toucher. Savoir s’il existe, à quoi il ressemble. Voilà qui comblerait l’inquiétude du cœur humain et les questions du croyant.
Seigneur, montre-nous le Père.
Vient alors la réponse surprenante de Jésus : Celui qui m’a vu a vu le Père.

Mesurons-nous l’inouï et l’audace d’une telle affirmation. Nous y sommes tellement habitués. Il suffit cependant de réfléchir avec bon sens et rationnellement pour retrouver le scandale de cette affirmation qui revient à dire que voir Jésus, c’est du même coup voir Dieu.
Philippe peut être satisfait car il l’a vu, l’homme Jésus. Mais nous, nous ne sommes pas plus avancés car Jésus, nous ne l’avons ni vu, ni connu. Mais n’allons pas penser que Philippe soit à une meilleure place que la nôtre. Voilà des mois, des années peut-être qu’il fréquente Jésus et dans l’intimité. Mais il n’a rien vu d’autre en Jésus que Jésus. C’est ce que lui reproche ce dernier : Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Et Jésus ajoute : Comment peux-tu dire : Montre-nous le Père ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! 

Philippe a vu Jésus, mais il n’a pas reconnu en lui le visage du Père.
Et nous ?
Nous n’avons pas vu Jésus, mais nous connaissons sa vie, ses paroles, ses actes. Mais avons-nous reconnu en lui le Père ?
Finalement, nous sommes dans la même position que Philippe et ses compagnons. Dieu se laisse voir dans la personne, les paroles et la vie de l’homme Jésus. Mais cela n’apparaît qu’à celui qui croit. C’est d’ailleurs ce que Jésus nous demande : Croyez ce que je vous dis : je suis dans le Père et le Père est en moi ; si vous ne croyez pas ma parole, croyez au moins à cause des œuvres.
S’il y en a qui sont capables de croire Jésus sur parole et de reconnaître en lui le Fils de Dieu, la plupart d’entre nous avons besoin de plus : examiner les œuvres de Jésus, c’est-à-dire ses actes, sa vie, sa mort.

Je suis le chemin, la vérité et la vie, déclare Jésus. Personne ne va vers le Père sans passer par moi. Si nous voulons connaître le Père, nous devons passer par Jésus. Il est le chemin qui conduit au Père, à Dieu. Passer par Jésus, ce n’est pas simplement savoir qu’il est le chemin. Ce n’est pas une question de connaissance, mais de pratique.
Croire que Jésus est le chemin consiste à le suivre. Suivre le même chemin que celui que Jésus a suivi mène au Père. Voilà le sens de cette parole : Personne ne va vers le Père sans passer par moi. Pour connaître le Père, nous devons passer par Jésus.

Abbé Marcel Villers
Illustration : panneau de la nef de l’église de Theux © KIK-IRPA, Bruxelles