Clés pour lire saint Jean 2. Entête la Parole

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons cette année fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. Il n’y a pas d’année liturgique centrée sur Jean, comme c’est le cas pour Matthieu, Marc et Luc. Nous ferons donc une lecture continue de Jean en tâchant de faire des liens avec l’année liturgique. Au long de l’Avent, nous méditerons le prologue (Jn 1, 1-18) qui ouvre l’évangile et est lu entièrement, chaque année, le jour de Noël. Cette semaine : Jn 1, 1-5.

2. Entête est la parole

En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes. (Jn 1,4)

« Le Verbe était Dieu » (1,1) car Dieu est communication de soi. Le Verbe, la Parole, c’est Dieu en tant que parlant, s’exprimant, se communiquant. Et cela depuis toujours, de toute éternité, « au commencement » (1,1. 2) Dieu est Parole, Verbe. Parler, c’est s’exprimer, sortir de soi, entrer en dialogue, en conversation. La Révélation, c’est l’auto-communication de Dieu.

« Tout fut par lui et sans lui rien ne fut » (1,3) : le cosmos, la création, les êtres humains sont nés de Dieu, sont Paroles de Dieu, expressions de Dieu. « En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes. » (1,4) Vie et lumière que rien ne peut arrêter, don de Dieu aux hommes pour vaincre les ténèbres de la mort.

Le prologue de Jean

« Le prologue, écrit dans un langage poétique, est une pièce à part dans l’évangile. On y rencontre un vocabulaire qu’on ne trouve pas ailleurs : des mots comme plérôme (traduit par « plénitude »), Verbe, grâce ne sont attestés que dans cette introduction. Il est vraisemblable que cette hymne a d’abord existé isolément… Des hymnes de ce genre ont existé dans l’Église primitive (par exemple, Éphésiens 5,14). Cette hymne de quatre strophes chantait successivement la préexistence du Verbe, sa présence lumineuse auprès des hommes, sa venue auprès du peuple d’Israël, et enfin son incarnation en la personne de Jésus. Jean, à la recherche d’une introduction pour son évangile, a adopté l’hymne pour en faire une introduction qui, telle une ouverture musicale, décline les uns après les autres les grands thèmes de l’évangile. » (Alain MARCHADOUR, L’Evangile de Jean, 1992)

Abbé Marcel Villers

Pentecôte : Union dans la différence

Après la mort de Jésus, les disciples se sont dispersés et chacun a retrouvé son ancienne vie. Le groupe uni autour de Jésus a éclaté : chacun est reparti, chacun pour soi.
Mais quand arriva le jour de la Pentecôte, ils se trouvaient réunis tous ensemble.
A la Pentecôte, l’Esprit réunit les disciples et les soude en un seul corps. En effet, un seul feu les embrase, mais qui se partage et pose sur chacun comme une langue de feu. C’est le même Esprit qui les unit, mais en respectant la différence de chacun.
C’est ce qui se manifeste aussi dans cette foule, issue de tous les peuples, venue écouter les apôtres. Comment se fait-il que chacun les entende dans sa propre langue ?
Des hommes venus de tous les horizons sont rassemblés par l’Esprit dans une même écoute du même discours, mais chacun l’entend dans sa propre langue.
Telle est l’œuvre de l’Esprit.

Ses effets sur les apôtres comme sur les peuples peuvent nous aider à comprendre ce qu’est l’Esprit Saint. A la Pentecôte, tout se joue dans les relations : celles qui unissent entre eux les apôtres, celles qui rassemblent cette foule dans la même écoute. Tout se joue aussi dans la communication : les apôtres se mettent à parler, la foule les entend mais chacun dans sa langue. C’est dans ce jeu de communication et de relation que se construisent d’ailleurs tous les groupes et sociétés humaines. 

Mais il y a des manières d’être en relation positives et d’autres négatives.
« Quel mot employons-nous pour parler de ces relations plus ou moins positives ? Nous employons le mot « esprit » que nous disons bon ou mauvais. Ainsi, par exemple, après une rencontre, on peut dire « il y avait un mauvais esprit dans le groupe » : on désigne par là des relations qui sont marquées par la jalousie, la méfiance, la peur, l’agressivité, etc.
Et parfois, à l’inverse, nous avons des expériences positives. « Ah, oui, il y avait dans le groupe, un bon esprit » : chaleur, entente, solidarité, etc. » (André Fossion, Lire pour vivre)

 Notre expérience nous livre ainsi des critères pour apprécier les bienfaits d’un bon esprit. Or les voilà déclinés dans la prière que nous venons d’entendre avant l’évangile : « Viens, Esprit Saint, en nos cœurs ». Un bon esprit, c’est lorsque le lien entre nous éclaire, console, rafraîchit, guérit, redresse et finalement établit dans une joie durable. Ce sont là les effets de l’Esprit Saint.
Le Saint Esprit se révèle ainsi présent lorsque le lien entre nous est porteur de vie, d’unité et de respect de chacun. L’Esprit Saint est le lien d’amour qui nous unit, circule entre nous, nous vivifie et nous réjouit le cœur 

C’est ce qui se passe le jour de la Pentecôte où se révèle ainsi, par son action, l’Esprit Saint. Ce jour-là, « les apôtres sont réunis dans un même lieu. Ils forment un seul groupe, comme une sorte de noyau compact fermé sur lui-même. Ce groupe fermé va éclater pour se porter vers autrui, sans limite. C’est alors une explosion de communication, une explosion de paroles en diverses langues. Le feu venu du ciel pousse à parler, à sortir de soi, à ouvrir les portes et à entrer en communication avec tous. » (Fossion) 

Telle est l’œuvre de l’Esprit Saint : mettre en relation, mettre en communication tous les peuples, toutes les cultures, tous les humains. Dans cette action de mise en communication, nous reconnaissons l’œuvre de Dieu.
Promouvoir la relation, travailler à la communication fraternelle entre nous et entre tous les peuples, c’est s’inscrire dans la mouvance de l’Esprit Saint.
N’est-ce pas aussi la raison même d’une paroisse, à fortiori d’une unité pastorale : mettre en relation et communication, construire l’union dans la différence ?

Viens Esprit Saint en nos cœurs.
Viens remplir le cœur de tes fidèles.

Abbé Marcel Villers
Homélie de la Pentecôte, Theux, 9 juin 2019.
Illustration : Pentecôte (1681) plafond du chœur de l’église de Theux.