HOMÉLIE COMMÉMORATION DES DÉFUNTS THEUX 3/11/2024

HOMÉLIE : LA MORT POUR LE CHRÉTIEN THEUX 3.11.24

Toussaint, commémoration des fidèles défunts, jour des morts, voilà qui nous ramène, chaque année, à la visite du cimetière et à la mémoire de nos morts. En ces jours, nous sommes amenés inévitablement à nous interroger sur la mort et les morts.
Quels liens y a-t-il entre eux et nous ? La mémoire, la prière, le souvenir ? Où passe la frontière entre le monde des vivants et le monde des morts ?
Dans d’innombrables cultures, les morts sont actifs et influents dans le monde des vivants. Ils sont le plus souvent considérés comme une menace ou une protection. Une menace dont il faut se prémunir. Une protection qu’il faut se concilier. Qu’en est-il pour nous chrétiens ? Quels rapports avec nos morts ?

A cette interrogation, Jésus a répondu : « Laissez les morts enterrer leurs morts. » (Mt 8,22) Pour lui, la priorité c’est annoncer la vie et non célébrer la mort.
L’Eglise a été fidèle à cette perspective. Contrairement à de nombreuses civilisations ou religions, l’Eglise n’a en rien encouragé les rituels qui règlent les obsèques et le deuil. Doit-on en conclure que le christianisme n’a rien à dire sur la mort et les morts ? Non, bien sûr, d’autant que le signe distinctif des chrétiens est une croix. Que nous livre la foi chrétienne sur la mort et les morts ?

D’abord que la mort n’est pas simplement le bout du chemin terrestre, mais qu’elle s’anticipe dans la vie. La mort, les puissances négatives, l’anti-vie, nous devons bien reconnaître que c’est à l’œuvre dans notre quotidien, proche ou lointain. Se battre contre la mort, voilà qui est premier pour le chrétien. « Laissez les morts enterrer leurs morts »Oui, ne cessez pas de vous battre pour la vie et de vous appuyer sur les forces de vie, sur le Christ qui nous a promis la victoire de la vie sur la mort.

Cette victoire promise n’efface pas le caractère tragique de la mort des hommes. C’est pourquoi le christianisme nous met sous les yeux un crucifié. Dans les affres de l’agonie, nous faisons mémoire du cri de Jésus : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Mais nous nous souvenons aussi de sa dernière prière : « Père, je remets ma vie entre tes mains. »
Ces deux paroles de Jésus, à l’heure de la mort, nous permettent de définir l’attitude du chrétien.
« Pourquoi m’as-tu abandonné ? » : parole d’incompréhension
« Je remets ma vie entre tes mains » : parole de folle confiance
Face à nos morts, face à notre propre mort, nous sommes, en effet, balancés entre ces deux positions : incompréhension et confiance.

Ce n’est pas le néant qui est au bout de notre existence terrestre, mais la communion avec Dieu et tous les saints. Oui, le terme, la fin, c’est la communion comme l’exprimait Teilhard de Chardin : « L’avenir s’ouvre devant moi comme une crevasse vertigineuse ou un passage obscur. Mais si je m’y aventure sur votre parole, mon Dieu, je puis avoir confiance de me perdre ou de m’abîmer en vous. Ce n’est pas assez que je meure en communiant. Apprenez-moi à communier en mourant. » (Le milieu divin, pp. 95-96)

Abbé Marcel Villers

SEMAINE SAINTE : Vendredi-Saint

Vendredi-Saint : célébration de la Passion du Seigneur

Jusqu’au IVe s., les chrétiens célèbrent la mort et la résurrection du Christ la nuit de Pâques. Le vendredi et le samedi précédents sont des jours de jeûne en préparation à la fête pascale. La liturgie primitive de l’Église ne comporte aucune célébration spéciale attachée à ces deux jours.

Si cela reste toujours le cas pour le samedi, le vendredi connaît, courant IVe s., une liturgie de la parole le soir : lectures et chants, prière solennelle aux intentions des fidèles. Ce schéma est celui des premières liturgies chrétiennes repris à la liturgie juive du sabbat et qui n’inclut pas la célébration de l’eucharistie. La réforme liturgique de Vatican II a restauré l’usage de la liturgie de la parole sans la messe.

La liturgie romaine va ensuite subir l’influence des pèlerinages à Jérusalem. En 380, Égérie rapporte son voyage en Terre Sainte et décrit la liturgie de l’Église de Jérusalem. Celle-ci s’attache aux événements de la passion de Jésus et les restitue dans leur cadre. C’est ainsi qu’apparaît le rite de la vénération des reliques de la croix que l’on vient de retrouver à Jérusalem. Selon la légende, sainte Hélène, mère de Constantin, découvre, en 326, la vraie croix lors de travaux sur le site du Golgotha. A Rome, où on conserve une partie du bois de la croix, des papes orientaux introduisent, fin VIIe-VIIIe s., l’adoration de la croix dans la liturgie du vendredi saint. Au XIIe s., apparaît le rite du dévoilement de la croix que l’on dramatise dans le cadre d’une procession, puis les fidèles viennent baiser la croix avant de communier. On unit ainsi adoration de la croix et communion eucharistique apparue au VIIe s.

Le rite de la communion se pratique en consommant ce qui a été conservé de l’eucharistie célébrée le jeudi saint. Dans la liturgie romaine d’alors, on communie sous les deux espèces. A partir du XIIIe s., seul le célébrant communie, et toujours sous les deux espèces. Lors de la restauration de la semaine sainte en 1955, la communion au seul pain consacré est établie et pour tous les fidèles.

Le vendredi saint a lieu soit en plein air, soit à l’intérieur de l’église, le chemin de croix. Il prend la forme d’une procession ponctuée par sept ou quatorze stations évoquant les principaux épisodes de la passion de Jésus. Le chemin de croix est né à Jérusalem et est transposé en Europe, dans leurs églises ou à l’extérieur, par les Franciscains à partir des XIVe-XVe s. Il est installé dans les églises paroissiales à partir du XVIIIe s. mais la dévotion de la Passion est bien antérieure comme en témoigne ce tableau de 1600 dans l’église de Theux. Petit à petit, surtout au XIXe s., la pratique du chemin de croix à quatorze stations va se répandre et devenir un rite important du vendredi saint à 15h, heure traditionnelle de la mort de Jésus.

Abbé Marcel Villers

Illustration : Chemin de croix de S. Köder

La vie éternelle est déjà commencée

Homélie de l’abbé Marcel Villers pour le 20e dimanche ordinaire. Année B. La Reid, Theux 18-19 août 2018

Je suis le Pain vivant descendu du ciel.
Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle.

« La vie éternelle », pas moins. Bien sûr, nous y croyons et nous le professons haut et clair chaque fois que nous proclamons le Credo : « Je crois à la résurrection de la chair, à la vie éternelle ».

Deux questions se posent. Qu’est-ce qu’une vie éternelle ? Comment pouvons-nous accéder à une vie éternelle ?

Qu’est-ce qu’une vie éternelle ?
Il y a quelques années, l’épouse d’un milliardaire anversois fait jurer à son mari qu’il lui offrira pour dernière demeure, une chambre froide, un congélateur où elle sera conservée à une très basse température en attendant qu’on trouve la recette de l’éternité. Après plusieurs refus de la part d’administrations communales, la ville de Gand autorise la construction du fameux tombeau ou chambre frigorifique. La chère épouse y repose pour ce qu’elle imagine être l’éternité.
Ce fait divers authentique (rapporté par G. Ringlet dans La Croix, 18-19 août 2018) est révélateur d’une interrogation de toujours sur l’au-delà de cette vie. La mort est inéluctable, c’est un fait que nul ne peut nier.
Mais la vie ne peut-elle pas l’emporter ?

C’est un fait aussi que toutes les civilisations humaines ont développé la conviction que la vie se poursuit au-delà de la mort. Les tombes dès la préhistoire, celles des premiers temps de l’humanité, témoignent de cette foi en une autre vie. On équipe le défunt du nécessaire pour continuer à vivre dans l’autre monde : vaisselle, monnaie, outils et mobilier.

Mais s’agit-il de vie éternelle ou de survie éternelle ? L’éternité est-elle la prolongation indéfinie de cette vie ? Et surtout, la vie éternelle est-elle seulement à la fin, à la fin de notre existence ? Et si l’éternité se jouait aujourd’hui ? La vie éternelle est-elle une question de durée ou d’intensité de la vie ? Se joue-t-elle au-dehors ou au-dedans de notre vécu ? L’au-delà que nous réservons à la vie éternelle n’est-il pas plutôt un en-dedans ?

Jésus répond clairement. Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle.
C’est au présent, c’est maintenant, ici, aujourd’hui que cela se réalise. Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et moi je le ressusciterai au dernier jour. Cela veut dire simplement qu’en mangeant la chair et en buvant le sang du Christ ressuscité, nos corps eux-mêmes participent à sa condition de ressuscité, portant en eux les germes de la résurrection.

C’est énorme et incroyable à vue de nez. En reliant le pain vivant et l’au-delà, l’évangile nous enseigne que la vie éternelle n’est pas une affaire de prolongation. C’est dès aujourd’hui, l’éternité. On n’enferme pas l’éternité dans une chambre froide, ni dans un demain hypothétique. On n’emprisonne pas la résurrection dans un tombeau.

Je suis le Pain vivant descendu du ciel. Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle.
Comment cela peut-il se faire ? Rien d’autre que tendre la main et recevoir, dans la foi, le don de Dieu. Car Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique. C’est lui qui nous est donné, c’est lui que nous recevons lorsque nous communions. Avec lui, c’est la vie divine, la vie éternelle qui nous est offerte.

Tel est le pain qui descend du ciel : il n’est pas comme celui que vos pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement.

Abbé Marcel Villers