Clés pour lire Jean : 29. L’envoi et le souffle

Clés pour lire l’évangile de Jean

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean.
Alleluia ! Il est ressuscité ! Il nous envoie l’annoncer :  Jn 20, 19-23 du dimanche de Pentecôte.

29. L’envoi et le souffle

Jésus vint et il était là au milieu d’eux. (Jn 20,19)

A côté du récit spectaculaire des Actes des Apôtres, l’évangile de ce jour nous donne une version plus intérieure de la Pentecôte. Nous sommes peu après Pâques et le Christ ressuscité se manifeste à ses disciples réunis. Il entre dans le lieu où se sont rassemblés ses amis et toutes portes closes, se tient au milieu d’eux. Avec un souhait qu’il énonce deux fois : « Que la paix soit avec vous. »

Ce salut est suivi de deux gestes décisifs. « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. » Après quoi il souffle sur eux et dit : « Recevez l’Esprit Saint. »

C’est le souffle, la vie, l’énergie même de Jésus qui est la force capable de nous envoyer au bout du monde, vers tous les hommes et toutes les nations. C’est ici que s’origine et se justifie l’impératif missionnaire. « Comme le Père m’a envoyé, je vous envoie. » Et Jésus, le vivant, le ressuscité souffle sur eux, leur transmet sa propre vie, son propre souffle. « Recevez l’Esprit Saint. »

L’impératif missionnaire
L’Esprit est bien le moteur de la mission et c’est dans sa force que l’Église se construit, non pas comme un groupe replié sur lui-même et dans une position d’attente, mais comme un mouvement qui entraîne à sortir, à partir. C’est à chacun de nous aujourd’hui que le Christ redit : « Comme le Père m’a envoyé, je vous envoie. » L’Église, dès sa naissance, est universelle, sans frontières. Cela implique que nous soyons des envoyés, des missionnaires. C’est pour cela que l’Esprit nous est donné. Voilà qui fournit un indice clair de la vitalité de l’Église, de nos paroisses, de nos assemblées : sont-elles tournées vers les lointains, vers tous les autres ou bien « toutes portes closes » ?

Abbé Marcel Villers

HOMELIE PASCALE : Il n’y rien à faire

Dimanche de Pâques. Theux. 9 avril 2023

Que la grâce et la paix de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus, soient toujours avec vous.

En ce jour très saint, nous proclamons que Jésus est passé de la mort à la vie, de la nuit du tombeau à la lumière du royaume.
Il est ressuscité, il s’est relevé, il est le Vivant, le Vainqueur de la mort.

C’est aujourd’hui la fête du Grand Passage, de la Pâque : le Christ a ouvert une brèche dans le mur de la Mort.
Il est passé. Il est le premier.
Suivons-le, il nous conduit dans le Royaume du Père éternel.

Le Cierge pascal symbolise le Christ debout, élevé par le Père. Comme ce cierge, le Christ est Lumière. Il éclaire et donne sens à la marche des hommes : nous sommes faits pour la lumière et non les ténèbres, pour la vie et non pour la mort.

Et cela nous engage à la suite de Jésus.
La mémoire de sa Résurrection fonde l’engagement chrétien et sa puissance critique à l’égard de tout ce qui écrase ou humilie l’être humain. En effet, la résurrection de Jésus est le retournement par Dieu du jugement des hommes.
Le crucifié est reconnu comme le juste assassiné.
Ainsi Dieu prend parti pour l’exclu, le rejeté, l’écrasé et l’humilié. Voilà qui donne son caractère subversif à la mémoire chrétienne. Elle met en péril l’assurance des puissants, des installés et brise l’enchantement de la pensée dominante.

Il n’y a plus rien à faire…
Son ami, son maître est mort. Elle l’a vu agoniser sur une croix, elle l’a enseveli dans le tombeau. Mais le plus dur à vivre, c’est le lendemain, lorsque l’absence se fait si lourde à porter. A jamais faudra-t-il vivre sans le voir, sans le toucher, sans sa présence ? Nous avons tous connu ce sentiment de vide après la mort d’un être aimé.

 Il n’y a plus rien à faire…
Sauf peut-être aller encore une fois sur la tombe de l’aimé, s’y recueillir, prier, et surtout se replonger dans les souvenirs, se laisser aller à la nostalgie d’un temps qui n’est plus. Ainsi, « de grand matin, alors qu’il fait encore sombre » – dans son cœur comme dans la ville – Marie-Madeleine se met en route et se rend au tombeau.

Il n’y a plus rien à faire…
Combien de fois avons-nous entendu ou prononcé nous-mêmes cette parole qui peut n’être qu’un constat ou l’expression d’un découragement, pire d’un désespoir !

Il n’y a plus rien à faire…
quand nous avons l’impression d’être pris dans un engrenage inexorable, pris dans des événements qui nous échappent : catastrophes climatiques, migrants et réfugiés laissés à la rue, hausses des prix et afflux aux restos du cœur ou des Saint-Vincent-de-Paul.

 Que faire ? « Que voulez-vous qu’on fasse ? Il n’y a rien à faire. » Voilà ce que nous répétons si souvent.
Il nous arrive si facilement de baisser les bras, tant il paraît surhumain de briser ces engrenages, de faire reculer les limites du possible.

Et pourtant.
C’est dans ce : « et, pourtant » que réside la capacité d’action de notre foi en la résurrection. Le dernier mot n’est pas « il n’y a rien à faire » car ce matin-là, la pierre a été enlevée du tombeau.

Proclamer que le Christ est ressuscité, ce n’est pas énoncer un fait du passé, c’est prendre un engagement dans l’aujourd’hui. C’est refuser le « il n’y a rien à faire ». C’est s’opposer à tout ce qui entrave l’homme. C’est défendre l’autre, écrasé ou opprimé. C’est accepter de toujours recommencer. C’est ne jamais céder au découragement. C’est croire que l’avenir est ouvert. C’est prendre des chemins nouveaux.
La résurrection est un principe d’action.

Le soleil se lève et roule la pierre qui scellait nos tombeaux.

Abbé Marcel Villers

Il est ressuscité. Alleluia !

Que le ciel se réjouisse, que la terre soit dans l’allégresse,
que le monde soit en fête, tout le monde visible et invisible, car le Christ est ressuscité, lui, l’éternelle allégresse.

De la mort, célébrons la destruction et de l’enfer, la ruine. D’une vie nouvelle immortelle, chantons avec élan l’Auteur.

O Christ, O Sagesse, O Verbe de Dieu,
donne-nous de t’être unis dans une plus grande vérité,
au jour sans déclin de ton Royaume.

Bonne fête de Pâques !

Texte extrait de la liturgie byzantine.

Illustration : Vitrail du choeur de l’église de Theux. Oeuvre de M. Osterath, 1885. Il figure le Christ ressuscité, porteur des plaies (au côté et aux mains) de sa passion, revêtu de blanc (résurrection) sur fond rouge (passion, mort), tenant un bâton surmonté de la croix glorieuse et porteur du fanion de la victoire.

SOURCES : 24. Obéissant jusqu’à la mort

Dans cette rubrique, il est question de sources, celles qui nous font vivre, celles qui donnent sens à notre action, celles qui contribuent à construire notre identité.  Aujourd’hui comme hier, nous avons besoin de boire à ces sources pour vivre et donner sens à notre engagement.
Abbé Marcel Villers

OBÉISSANT JUSQU’A LA MORT

« Loin de te donner un instant de répit, ô Source de vie,
ils te préparèrent, pour le porter, l’instrument de la mort.
Tu l’as reçu avec magnanimité,
Tu l’as pris avec douceur,
Tu l’as soulevé avec patience ;
Tu t’es chargé, comme si tu étais coupable, du bois des douleurs.

On t’a étendu sur l’autel de la croix comme une victime ;
On t’a cloué comme si tu étais un malfaiteur ;
On t’a rivé comme si tu étais un révolté ;
Toi qui es la paix céleste, comme si tu étais un brigand.

O toi qui es miséricordieux et plein de pitié,
Toi qui pour moi, ton ingrat et inique serviteur,
Ô Seigneur de tous que tu es,
Tu as accueilli toutes ces souffrances volontairement
les supportant dans ton humanité que tu t’es unie
et jusqu’au dortoir du caveau de ta sépulture.

O Dieu insondable,
après avoir subi les mêmes ignominies avec une indicible patience,
Tu es ressuscité vivant par ta propre puissance
dans une exaltante lumière,
avec ton intégrale humanité et ta parfaite divinité. »
(Grégoire de Narek, Prière pour le Grand Vendredi)

 

GRÉGOIRE DE NAREK (950 à 1003/1010), moine arménien, auteur d’Élégies sacrées, ouvrage devenu le principal livre de prière de l’Église arménienne. Il fut aussi un grand poète, traduisant son expérience mystique. Il est le 36e docteur de l’Église proclamé tel par le pape François en 2015.