Clés pour lire l’évangile de Jean : 42. la crise

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. Nous poursuivons la lecture continue de l’évangile. Jésus provoque au choix décisif : Jn 6, 60-69 du 21e dimanche ordinaire.

42. La crise

« Voulez-vous partir vous aussi ? » (Jn 6,67)

Jésus affirme qu’il est « descendu du ciel » (6,58), autrement dit qu’il est d’origine divine. Mais, « n’est-il pas le fils de Joseph ? Nous connaissons son père et sa mère. » (6,41) L’incarnation est pierre d’achoppement. « Cela vous scandalise ? Qu’en sera-t-il quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant » (6,62), autrement dit « au ciel » ? Si les disciples sont scandalisés par l’incarnation, ils le seront encore davantage lors de l’élévation de Jésus sur la croix assimilée à un retour vers Dieu. « Voulez-vous partir, vous aussi ? » (6,67)

En réponse, trois positions sont présentées, celles d’hier et d’aujourd’hui. Certains sont scandalisés par les prétentions de Jésus et « cessèrent de l’accompagner. » (6,66) Nombreux aujourd’hui les baptisés qui ont cessé de croire en Jésus.  D’autres, comme Pierre, demeurent fidèles à la personne et au destin de Jésus : « Nous croyons et nous savons que tu es le Saint de Dieu. » (6,69) Enfin, il y a Judas, celui qui livra Jésus. Comme lui, nombreux qui ont été choisis par le Christ, mais ont un jour renié celui qu’ils ont servi et aimé. Reste à chacun de se situer en écoutant la question posée par Jésus. « Voulez-vous partir, vous aussi ? » Puisse la réponse de Pierre être nôtre : « Seigneur, à qui irions-nous ? » (6,68)

Tu es le Saint de Dieu

La formulation de la confession de foi de Pierre est étonnante car elle recourt à un prédicat utilisé par Jean ici seulement : « le Saint de Dieu ». Dans la droite ligne de l’Ancien Testament, l’adjectif « saint » désigne l’appartenance de Jésus au monde de Dieu. Les synoptiques n’ignorent pas ce titre, mais il est proféré par les démons qui réagissent lorsque le « Saint de Dieu » les approche. Dieu est le seul Saint (Is 6,3) ; qualifier Jésus de « Saint de Dieu », c’est dire son caractère unique et divin. D’après les Actes 3,14, la communauté de Jérusalem invoque Jésus comme « le Saint ». Ce titre est sans doute la trace d’une christologie archaïque qui évoque Jésus comme le saint serviteur de Dieu (Ac 4,27.30). Cette confession de foi en Jésus comme manifestation de Dieu n’est pas une œuvre humaine, mais l’expression de l’élection divine qui n’assure cependant aucune sécurité, comme l’illustre le cas de Judas.

Abbé Marcel Villers

Clés pour lire l’évangile de Marc : 38. La chute

Clé pour lire l’évangile de Marc

Dans cette série hebdomadaire (parution le mercredi matin), nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Marc. Cette semaine : Mc 9, 38-48 du 26e dimanche du temps ordinaire.

38. La chute

Celui qui entraînera la chute d’un seul de ces petits qui croient en moi… qu’on le jette à la mer (Mc 9,42).

L’expression « entraîner la chute » traduit bien le grec « scandale » qui signifie l’obstacle, le piège tendu sur le chemin pour y faire tomber le passant, hommes ou bêtes. Soit le piège vise à faire tomber l’autre, ici « un seul de ces petits qui croient en moi » (9,42), soit tomber soi-même car la main, le pied, l’œil peuvent être « occasions de chute » pour soi.

Tout dans notre existence « peut être occasion de bien ou de mal agir : la main peut donner ou prendre, l’œil peut contempler ou contrôler, le pied peut avancer ou s’arrêter » (A. Fossion et J-P Laurent, Lire pour vivre, 2016, p.113).

On peut penser aux persécutions que connaissaient les chrétiens de Rome au temps de Marc et qui sont les destinataires de son évangile. Entraîner la chute, faire tomber équivaut à dénoncer un frère ; tomber soi-même signifie alors trahir le Christ et l’Église.

                                            La géhenne

« La géhenne, là où le ver ne meurt pas et où le feu ne s’éteint pas » (9,48). La géhenne est opposée à la vie éternelle et au royaume de Dieu, comme la mort est opposée à la vie.
« Primitivement, le mot géhenne désigne la vallée de Ben-Hinnom qui entourait Jérusalem à l’ouest et au sud et dans laquelle se pratiquaient des sacrifices d’enfants par le feu en l’honneur de Moloch (2 R 23,10). Le prophète Jérémie annonce que les Judéens y seront massacrés par Nabuchodonosor et ce lieu deviendra la vallée du carnage (Jr 7,30-32). Isaïe reprend cette image dans un contexte eschatologique, on pourra y voir « les dépouilles des hommes qui se sont révoltés contre moi : leurs vers ne mourront pas et leur feu ne s’éteindra pas » (Is 66,24).

À partir de là, la Géhenne devint, dans la littérature apocalyptique, le symbole d’un châtiment éternel qui a donné naissance à l’image du feu éternel de l’enfer » (Philippe BACQ, Un goût d’Évangile, 2006, p.143).

Abbé Marcel Villers