CLÉS POUR LIRE JEAN : 17. AVEUGLE-NÉ

Clés pour lire l’évangile de Jean

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. Aujourd’hui, le quatrième signe accompli par Jésus à Jérusalem : Jn 9, 1-41. Que le temps du carême nous délivre de tous nos aveuglements et renouvelle notre foi en Celui qui est lumière et vie !

 

Aveugle de naissance

Va à Siloé et lave-toi. J’y suis allé et je me suis lavé ; alors, j’ai vu. (Jn 9,10)

« En passant, Jésus vit un homme aveugle de naissance. » (9,1) Cet homme qui ne voit pas, Jésus le voit. En lui, il ne regarde pas seulement l’infirme avec sa misère, il reconnaît tous les hommes, et nous en sommes, aveugles de naissance qui ne parviennent pas à voir clair dans ce monde et restent obstinément prisonniers de leur univers de ténèbres. Qui peut guérir nos yeux ? Qui peut illuminer nos ténèbres ? « Je suis la lumière du monde. » (9,5)

L’initiative est à Jésus. « Il cracha à terre et avec la salive, il fit de la boue qu’il appliqua sur les yeux de l’aveugle. » (9,6) Surprenant : Jésus commence par le rendre plus aveugle encore. Doublement enfermé dans sa nuit, l’homme se met en marche sans hésitation sur la parole entendue : « Va te laver à la piscine de Siloé ». Il a entendu et obéit à la parole de Jésus. Voilà la foi qui illumine la vie. « Crois-tu au Fils de l’homme ? Qui est-il, Seigneur ? Tu le vois, c’est lui qui te parle. Je crois, Seigneur ! » Pour nous aussi, loin du Jésus terrestre, le Seigneur, c’est celui qui nous parle.

Une figure du baptême
A Rome, comme à Milan, au IVe s., l’épisode de l’aveugle-né faisait partie des lectures liturgiques du carême, temps de formation intensive avant le baptême qui a lieu lors de la vigile pascale. Le récit, qui faisait peut-être déjà allusion au baptême dans l’évangile de Jean, est au IIe s. une évidente figure baptismale pour saint Irénée. Ce qui à l’origine n’est qu’un bain d’yeux est devenu « le bain de la régénération », c’est-à-dire le baptême. « En donnant l’ordre de se laver dans la piscine de Siloé, il nous montre le salut par l’eau que l’Envoyé, Siloé, a donné à tous. » La guérison de Siloé dit bien l’illumination baptismale, comme le souligne Éphrem de Nisibe : « En la piscine de Siloé, l’aveugle se lava et s’ouvrit ; dans l’eau ses yeux s’illuminèrent, de dessus eux enlevant la nuit : vous dépouillez l’ombre invisible, dans l’eau vous vêtez la lumière ! » (Martine DULAEY, Symboles des Évangiles, 2007)

Abbé Marcel Villers

CLÉS POUR LIRE JEAN : 16. L’EAU VIVE

Clés pour lire l’évangile de Jean

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. Aujourd’hui Jésus et la Samaritaine : Jn 4, 1-15 du 3ème dimanche du carême.

L’eau vive

« Qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif. » (Jn 4,14)

Dans la rencontre du Christ et de la Samaritaine, au puits de Jacob, c’est l’acte de puiser qui est mis en évidence. Un puits, c’est une source de vie, c’est de l’eau vive. Au bord du puits, Jésus nous attend pour nous donner l’eau vive, celle qui devient en nous « source d’eau jaillissant pour la vie éternelle » (4,14). Tel est le don de Dieu. « Si tu savais le don de Dieu » (4,10), nous dit Jésus. C’est ce savoir, cette connaissance qu’offre Jésus ou plutôt qu’il est lui-même. Le puits, c’est le Christ et son enseignement rapporté par les Écritures.

On comprend alors l’importance de l’acte de puiser et de la cruche. Tirer l’eau du puits, c’est étudier et méditer l’Écriture, la parole de Jésus rapportée par les Évangiles. C’est puiser à la source cette eau qui étanche la soif. « Celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif » (4,14). La rencontre du Christ, et donc la foi en lui, telle est la source de vie.

Le puits de Jacob
« Le puits, auprès duquel Jésus fatigué s’assied, est un puits bien identifié, au pied du mont Garizim, de grande profondeur (32 m) ; son eau est toujours fraîche sous le soleil brûlant de midi. Ce puit est ici le support d’un symbolisme complexe. Il est attribué au patriarche Jacob à qui, selon la légende, il avait fourni des eaux surabondantes qui montaient des profondeurs et jaillissaient devant lui. Le souvenir de Jacob était puissant dans la région de Sykar (Sichem) et le puits le plus fameux lui était associé. Le puits était don de Dieu.
Un autre sens était donné au puits dans le judaïsme. Il figurait la Loi ; ses eaux débordantes, venant des profondeurs, représentaient l’effusion de la sagesse de Dieu, qui donnait la connaissance et illuminait les cœurs. Pour Jean, la rencontre de Jésus joue ce rôle. Pour les chrétiens, le puits, c’est aussi la fontaine baptismale d’où jaillit la vie éternelle, don de Dieu. » (Annie JAUBERT, Approches de l’Évangile de Jean, 1976)

Abbé Marcel Villers

Clés pour lire l’évangile de Jean : 44. La Loi

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. Nous poursuivons la lecture continue de l’évangile. Jésus enseigne dans le Temple : Jn 7, 14-24.

44. La Loi

« Comment cet homme qui n’a pas étudié est-il si instruit ? » (Jn 7,7)

Jésus étonne par sa science des Écritures, mais de quel droit peut-il enseigner ? Quelle est la source de son autorité ? « Mon enseignement n’est pas de moi, mais de Celui qui m’a envoyé » (7,16). Facile à dire. Mais celui qui connaît Dieu et sa volonté exprimée dans la Loi de Moïse « saura si cet enseignement vient de Dieu ou si je parle de moi-même » (7,17) Or parmi les auditeurs de Jésus, « aucun ne met la Loi en pratique » (7,19)

De la Loi, Jésus donne sa clef d’interprétation : le bien de l’être humain, telle est la finalité de la Loi comme de l’action de Jésus. Alors, « pourquoi vous emportez-vous contre moi parce que j’ai guéri un homme tout entier le jour du sabbat ? » (7,23) 

La fête des Tentes

« C’est l’une des trois fêtes de pèlerinage célébrées à Jérusalem (Dt 23,14). La fête durait huit jours, en septembre-octobre (Lv 23, 34-43). A l’origine fête des récoltes (Dt 23,16), elle était marquée par la construction de huttes de branchages dans les vignes et les vergers. A cette première signification qui célébrait le Dieu créateur, s’en ajouta une seconde, suscitée par l’histoire du salut : commémorer le séjour du peuple au désert qui s’y abritait sous des tentes (Lv 23,43-44). Enfin, la fête était liée à des attentes eschatologiques : Dieu allait venir séjourner au milieu des siens et tous les peuples monter en pèlerinage à Jérusalem (Za 14,16). On attendait donc une lumière perpétuelle (Za 14,7) et que les eaux vives sortent du Temple pour fertiliser la terre (Za 14,8). Chaque jour, une procession avec palmes allait puiser l’eau à Siloé, pour la verser sur l’autel du Temple. Le soir, de grandes illuminations avaient lieu dans la cour. L’eau et la lumière donnent le cadre et la portée des deux affirmations de Jésus (7,37-38 et 8,12). (Jean ZUMSTEIN, L’Évangile selon saint Jean, 2014)

Abbé Marcel Villers

Clés pour lire l’évangile de Jean : 11. Des noces

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons cette année fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. Il n’y a pas d’année liturgique centrée sur Jean, comme c’est le cas pour Matthieu, Marc et Luc. Nous ferons donc une lecture continue de Jean en tâchant de faire des liens avec l’année liturgique. Aujourd’hui : Jn 2, 1-11.       

11. Des noces à Cana

Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui. (Jn 2,11)

A Cana, l’Évangile s’ouvre : il est Bonne nouvelle pour tous, pour l’univers entier à qui les disciples le porteront. Puisez et portez-en à tous les peuples, nous commande Jésus. Alors ils goûteront l’eau changée en vin. Et ils s’étonneront : d’où vient ce vin ? Jésus est le bon vin que Dieu a gardé jusqu’à maintenant. Comme aucun vin connu, avec luxe et largesse, il comble le désir de joie et de vivre de tout homme.

Cana est, en quelque sorte, le paradigme de toute la vie et de la mission de Jésus. Avec Jésus est venue l’Heure où Dieu se donne sans mesure à tous les hommes comme le vin est dispensé luxueusement à Cana. Avec Jésus, l’espérance triomphe de la tristesse, la vie jaillit de la mort, la défaite se transforme en victoire, l’eau est changée en vin. C’est tout le mystère pascal qui est annoncé à Cana.

Le commencement des signes (Jn 2,11)

On considère l’évangile de Jean comme le livre des signes. « Ces signes sont au nombre de six : le changement de l’eau en vin aux noces de Cana (chapitre 2), la guérison du fils de l’officier royal (chapitre 4), celle de l’infirme à la piscine de Bethesda (chapitre 5), la multiplication des pains (chapitre 6), la guérison de l’aveugle-né (chapitre 9), la résurrection de Lazare (chapitre 11). A cette série s’ajoute le signe par excellence annoncé tout de suite après le miracle de Cana : la destruction et le relèvement du Temple (chapitre 2), figure de la mort et de la résurrection du corps de Jésus. Comme la suite des sept jours avait rythmé le récit de la création (Gn 1), les sept signes évoqués rythment les récits de la révélation apportée par Jésus-Christ. » (François GENUYT, L’économie des signes, 1992)

 Abbé Marcel Villers