La fête de la Pentecôte
Rythmant l’année agricole, trois fêtes (Ex 23, 14-17) étaient célébrées par les Israélites : au printemps, les prémices ; sept semaines plus tard, la moisson ; en automne, les vendanges. La fête des moissons était sanctifiée par l’offrande à Dieu des premières gerbes de blé (Ex 34,22). Elle avait lieu sept semaines après Pâques, d’où son nom de « fête des semaines », en hébreu shavouot qui deviendra en grec pentecostè, qui signifie le « cinquantième jour » (Lv 23,15-22).
A cette fête agraire, vient s’ajouter, dans certains milieux sacerdotaux et marginaux, à la fin du 2e siècle avant notre ère, une dimension de commémoration historique, celle de l’Alliance au Sinaï qui eut lieu trois mois après la sortie d’Egypte (Ex 19-20). Plus tard, au 2e s. de notre ère, le judaïsme pharisien rattache cette fête à l’histoire du salut et y commémore le don de la Torah au Sinaï.
Lorsque Luc écrit les Actes des Apôtres, à la fin du 1er siècle, la Pentecôte n’est donc pas encore la fête du don de la Loi, mais celle des moissons et, pour certains groupes juifs marginaux, celle de l’Alliance.
Pour les Actes, la Pentecôte est le commencement de l’Église qui a comme source et origine l’Esprit-Saint. Comme Jésus a reçu l’Esprit-Saint (Lc 3,22) au baptême, ainsi la communauté des disciples naît du même Esprit.
C’est sur cet ensemble de significations théologiques plus qu’historiques que vont se greffer les fêtes chrétiennes. Le calendrier de la liturgie chrétienne reste celui du judaïsme avec au centre la fête de Pâques et sa Cinquantaine. Le plus ancien témoin en est la chronologie des Actes : Jésus ressuscité « s’est fait voir aux apôtres pendant quarante jours » (Ac 1,3), puis « leur est enlevé pour le ciel » (Ac 1,11) et, le jour de la « Cinquantaine » ou Pentecôte, « tous furent remplis de l’Esprit » (Ac 2,1-4), les instituant témoins du Christ (Ac 1,8) et fondant ainsi l’Église.
Ce cadre chronologique, d’ordre théologique, va progressivement se traduire dans un calendrier liturgique propre aux chrétiens. A la fin du 2e s., on connaît l’existence d’une « cinquantaine », de Pâques à Pentecôte, qui célèbre d’un bloc, au long d’une suite continue de 50 jours, le mystère de la résurrection du Christ. Au IVe s., on va fixer un jour déterminé pour célébrer les trois aspects du mystère pascal mis en évidence par les Actes des Apôtres : la résurrection de Jésus, son ascension et le don de l’Esprit-Saint. Faisant pendant au dimanche de la Résurrection, le dernier jour de la Cinquantaine devient la fête chrétienne de Pentecôte, dont la nuit est réservée aux baptêmes et organisée sur le modèle de la vigile pascale. Au VIe s., une semaine ou octave prolonge la fête.
Si Pâques célèbre l’événement de la résurrection de Jésus, la Pentecôte célèbre l’institution qui prolonge l’évènement : l’Église, cette assemblée suscitée et animée par l’Esprit-Saint.
Abbé Marcel Villers
Illustration : Plafond du choeur de l’église de Theux 1681