Clés pour lire saint Jean 5. Le Verbe s’est fait chair

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons cette année fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. Il n’y a pas d’année liturgique centrée sur Jean, comme c’est le cas pour Matthieu, Marc et Luc. Nous ferons donc une lecture continue de Jean en tâchant de faire des liens avec l’année liturgique. En ce temps de Noël, nous achevons notre lecture du prologue. Cette semaine : Jn 1, 9-14.          

5.  Le Verbe s’est fait chair

Il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire. (Jn 1,14)

En venant parmi nous, Dieu ne nous tire pas vers le ciel, mais vers la terre, vers la chair. La chair, c’est une manière concrète de dire finitude, fragilité, souffrance et mortalité. Tout ce qui caractérise la condition humaine. « Le Verbe s’est fait chair. » (1,14) Dieu s’est fait homme.

« Oui, écrit St-Irénée, c’est le Verbe de Dieu qui a habité en l’homme, qui s’est fait fils de l’homme, pour habituer l’homme à recevoir Dieu, et habituer Dieu à habiter en l’homme. »

L’enfant de la crèche dit qu’en tout homme, aussi petit, aussi pauvre, dépouillé et nu qu’un nouveau-né, dans le plus faible et le plus vulnérable, Dieu est présent. Voilà qui fonde la dignité divine de tout être humain et le respect infini qui lui est dû.

L’incarnation

« Le Dieu transcendant et inaccessible se fait homme de chair et de sang avec toute l’affectivité, toutes les perceptions, toutes les potentialités, mais aussi toutes les limites attachées à cette condition corporelle. » Dieu se révèle dans un corps, corps de chair et de sang, celui de Jésus de Nazareth, et, dans une certaine mesure celui de tout homme. Désormais, Dieu et l’homme se déchiffrent l’un dans l’autre. Dieu et l’homme ne peuvent être connus séparément. L’homme, c’est ce qui apparaît quand Dieu sort de lui-même, s’exprime. Tel est le grand mystère que nous nommons l’incarnation, mystère de dépouillement et de livraison de soi, mystère de l’amour. En effet, Noël nous révèle que : « Dieu s’exprime en se dépouillant lui-même ; et c’est ce fait qui constitue l’homme, en tant qu’homme. » En se dépouillant lui-même, Dieu voile sa majesté, mais du même coup exprime ce qui fait son être : l’amour, dont l’homme est la manifestation. Ce n’est pas dans les ors et l’éclat que Dieu se révèle, mais dans l’ordinaire de l’homme. (D’après Karl RAHNER, Réflexions théologiques sur l’incarnation, 1962)

Abbé Marcel Villers

Clés pour lire saint Jean 4. Identification

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons cette année fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. Il n’y a pas d’année liturgique centrée sur Jean, comme c’est le cas pour Matthieu, Marc et Luc. Nous ferons donc une lecture continue de Jean en tâchant de faire des liens avec l’année liturgique. En ce temps de l’Avent, prolongeons notre méditation sur le témoignage de Jean le Baptiste. Cette semaine : Jn 1, 19-28.        

4.  Question d’identification

Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas. (Jn 1,26)

Il est là, présent au milieu de nous, mais inconnu, ignoré, méconnaissable. De qui Jean parle-t-il ? qui désigne-t-il ainsi ? « Jean est venu pour rendre témoignage à la Lumière. » (1,7) Mais comment se fait-il que Celui qu’on appelle la Lumière soit invisible ? Que Celui qui s’identifie à la Vérité ne s’avance que masqué ? Que Celui qu’on dit être partout n’apparaisse nulle part ?

C’est bien là une des réalités les plus étonnantes sur lesquelles les croyants butent immanquablement : Dieu ne se laisse jamais saisir. Il est comme la Lumière. Sans elle, tout est obscur, mais personne ne peut la saisir. Dieu est insaisissable. Par définition, pourrait-on dire. Cela nous en dit long sur Dieu : il est partout mais ailleurs que là où nous l’attendons.

La tradition du Messie caché

« Dans le judaïsme d’alors, une spéculation circulait selon laquelle le Messie vivait incognito au milieu de son peuple avant de se révéler. Selon certains textes, le Messie apparaîtra au temps fixé et il est certain qu’il viendra, car il est déjà là, quoique caché aux yeux des mortels. Pour d’autres, le Messie est déjà sur terre, incognito et même lui ne sait pas qui il est. Jn 1,26 semble présupposer la seconde conception qu’on retrouve chez Justin, un philosophe chrétien du deuxième siècle (entre 100 et 165) qui écrit dans le Dialogue avec Tryphon (VIII,4) : « Si le Christ est né et demeure quelque part, il est inconnu, il ne se connaît pas lui-même et n’a aucun moyen de se faire connaitre. Il faut d’abord que le prophète Élie vienne lui donner l’onction sainte et le révèle à la terre. » (Jean ZUMSTEIN, L’Évangile selon saint Jean, 2014)

Abbé Marcel Villers

 

Clés pour lire saint Jean 3. Son nom était Jean

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons cette année fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. Il n’y a pas d’année liturgique centrée sur Jean, comme c’est le cas pour Matthieu, Marc et Luc. Nous ferons donc une lecture continue de Jean en tâchant de faire des liens avec l’année liturgique. Au long de l’Avent, nous méditerons le prologue (Jn 1, 1-18) qui ouvre l’évangile et est lu entièrement, chaque année, le jour de Noël. Cette semaine : Jn 1, 6-8.

3.  Son nom était Jean

Il est venu pour rendre témoignage à la Lumière. (Jn 1,7)

Ce Jean qui ne peut être que celui que nous nommons le Baptiste est ici désigné par trois termes positifs : un homme, un envoyé, un témoin ; et une restriction : « cet homme n’était pas la Lumière. » (1,8) Lui qui n’est qu’un homme, bien loin donc de la dimension divine du Verbe, sa mission est de « rendre témoignage à la Lumière afin que tous croient par lui. » (1,7)

Ce n’est pas de lui-même que cet homme, Jean, s’est constitué témoin. En effet, « il est envoyé par Dieu pour rendre témoignage ». (1,6) Il nous est présenté comme le premier témoin, le témoin universel qui s’adresse à tous : il témoigne de la Lumière, celle qui vient illuminer tout humain et donner sens à l’existence. Sa mission est de conduire à la foi en ce Verbe, Jésus, Lumière des hommes. Il prépare, il précède, il annonce, il témoigne. Comme chacun de nous.

Le témoin

Envoyé et témoin, telle est la définition de tout chrétien qui, comme Jean le Précurseur, est appelé à « rendre témoignage à la Lumière afin que tous croient par lui. » (1,7) « Pour qu’ils puissent donner avec fruit ce témoignage du Christ, les chrétiens doivent se joindre aux hommes par l’estime et la charité… découvrir avec joie et respect les semences du Verbe qui se trouvent cachées [dans leurs traditions nationales et religieuses]… Le Christ lui-même a scruté le cœur des hommes et les a amenés par un dialogue vraiment humain à la lumière divine ; de même, ses disciples doivent connaître les hommes au milieu desquels ils vivent, engager conversation avec eux, afin qu’eux aussi apprennent dans un dialogue sincère et patient, quelles richesses Dieu a dispensées aux nations. » (Vatican II, Décret sur l’activité missionnaire de l’Église, n° 11)

Abbé Marcel Villers

Clés pour lire saint Jean 2. Entête la Parole

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons cette année fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. Il n’y a pas d’année liturgique centrée sur Jean, comme c’est le cas pour Matthieu, Marc et Luc. Nous ferons donc une lecture continue de Jean en tâchant de faire des liens avec l’année liturgique. Au long de l’Avent, nous méditerons le prologue (Jn 1, 1-18) qui ouvre l’évangile et est lu entièrement, chaque année, le jour de Noël. Cette semaine : Jn 1, 1-5.

2. Entête est la parole

En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes. (Jn 1,4)

« Le Verbe était Dieu » (1,1) car Dieu est communication de soi. Le Verbe, la Parole, c’est Dieu en tant que parlant, s’exprimant, se communiquant. Et cela depuis toujours, de toute éternité, « au commencement » (1,1. 2) Dieu est Parole, Verbe. Parler, c’est s’exprimer, sortir de soi, entrer en dialogue, en conversation. La Révélation, c’est l’auto-communication de Dieu.

« Tout fut par lui et sans lui rien ne fut » (1,3) : le cosmos, la création, les êtres humains sont nés de Dieu, sont Paroles de Dieu, expressions de Dieu. « En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes. » (1,4) Vie et lumière que rien ne peut arrêter, don de Dieu aux hommes pour vaincre les ténèbres de la mort.

Le prologue de Jean

« Le prologue, écrit dans un langage poétique, est une pièce à part dans l’évangile. On y rencontre un vocabulaire qu’on ne trouve pas ailleurs : des mots comme plérôme (traduit par « plénitude »), Verbe, grâce ne sont attestés que dans cette introduction. Il est vraisemblable que cette hymne a d’abord existé isolément… Des hymnes de ce genre ont existé dans l’Église primitive (par exemple, Éphésiens 5,14). Cette hymne de quatre strophes chantait successivement la préexistence du Verbe, sa présence lumineuse auprès des hommes, sa venue auprès du peuple d’Israël, et enfin son incarnation en la personne de Jésus. Jean, à la recherche d’une introduction pour son évangile, a adopté l’hymne pour en faire une introduction qui, telle une ouverture musicale, décline les uns après les autres les grands thèmes de l’évangile. » (Alain MARCHADOUR, L’Evangile de Jean, 1992)

Abbé Marcel Villers