Clés pour lire l’évangile de Jean : 51. Vérité et liberté

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. La controverse de Jésus avec les Pharisiens se poursuit : Jn 8, 31-47.

51. Vérité et liberté

Si vous demeurez fidèles à ma parole, la vérité vous rendra libres. (8,31-32)

Face à cette prétention de Jésus, les Juifs revendiquent leur descendance d’Abraham qui fonde leur liberté : « nous n’avons jamais été esclaves de personne » (8,33). Ils sont les fils de Sarah, la femme libre. Mais Jésus vise une autre libération, celle du péché dont tout être humain est esclave. Se réclamer d’Abraham est inutile car la véritable libération vient du Fils dont la parole est vérité puisqu’elle a sa source en Dieu qui l’a envoyé.

« Si Dieu était votre Père, vous m’aimeriez » (8,42) Mais, « Vous êtes du diable, c’est lui votre père…il n’y a pas en lui de vérité, il est menteur et père du mensonge » (8,44). Jésus affirme, en raison de son lien avec le Père, dire la vérité et libérer de l’esclavage du péché. Mais, « vous ne m’écoutez pas parce que vous n’êtes pas de Dieu » (8,47).

Vérité dans l’évangile de Jean

« La vérité (alètheia en grec), c’est ce qui peut être exposé et vu par tous, ce qui n’est pas caché. Dans la Septante, alètheia traduit en général l’hébreu émét qui évoque ce qui est solide, valable, durable. Jésus est la vérité parce qu’il dévoile, fait connaître celui qu’on ne voit pas. Parce qu’il est la vérité, Jésus est le « dévoileur », le révélateur par excellence. Jésus dit la vérité parce qu’il est le témoin par excellence du Père (8,45). Il juge selon la vérité (8,16). En revanche, le diable est celui qui a toujours refusé la vérité et qui est père du mensonge (8,44). Le disciple est celui qui est de la vérité (19,27). Il accueille la parole de Jésus et la garde, il connaît ainsi Jésus et la révélation qu’il est ; cette vérité rend libre (8,22). » (Jean-Pierre LÉMONON, Pour lire l’évangile selon saint Jean, 2020)

Abbé Marcel Villers

Clés pour lire l’évangile de Jean : 36. Grand témoin

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. Nous poursuivons la lecture continue de l’évangile. Jésus défend son œuvre face à ses adversaires : Jn 5, 31-38.

36. Le grand témoin

« Les œuvres que je fais témoignent que le Père m’a envoyé. » (Jn 5,36)

Comme témoin pour sa défense, Jésus pourrait convoquer Jean le Baptiste : « il a rendu témoignage à la vérité » (5,33), c’est-à-dire au Christ (1,15). Mais Jésus a « un témoignage plus grand que celui de Jean : les œuvres que le Père m’a donné d’accomplir » (5,36). En effet, les œuvres que Jésus accomplit sont à l’imitation de celles du Père. Ce que le Fils fait, c’est pareillement ce que fait le Père. Alors, conclut Jésus, « les œuvres que je fais témoignent que le Père m’a envoyé » (5,36).

Les paroles et les actes de Jésus révèlent à tous qui est le Père. Jésus est l’envoyé de Dieu, il est la voix de Dieu, son visage. Dieu, « vous n’avez jamais entendu sa voix, vous n’avez jamais vu sa face » (5,37). « Le Fils unique qui est dans le sein du Père, l’a fait connaître » (1,18).

Le Fils et le Père

« De l’intimité du Fils unique et de son Père sort, comme de sa source, la révélation. L’objet de cette révélation n’est pas seulement de s’opposer à l’impossibilité humaine de voir Dieu, mais aussi de communiquer aux hommes la vie qui unit le Père et le Fils. Cet acte est un acte d’amour et souligne ainsi l’aspect de gratuité absolue qui caractérise le don de la révélation identifié au don du Fils unique. A la différence des synoptiques, la figure du Fils est, pour saint Jean, la clé du comportement de Jésus, de sa parole, de son action. Elle livre le secret de sa vie, Jésus se sait le Fils envoyé par le Père. Communion de pensée et de volonté entre eux, ce mystère d’unité et d’amour est à la racine de l’existence de l’homme Jésus. Parce qu’il est le Fils, venu habiter parmi nous, il est le révélateur sans égal, seul capable d’introduire les hommes dans le secret du seul véritable Dieu, dont il manifeste le Nom de Père. » (Donatien MOLLAT, Saint Jean. Maître spirituel, 1976)

Abbé Marcel Villers

Clés pour lire saint Jean 3. Son nom était Jean

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons cette année fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. Il n’y a pas d’année liturgique centrée sur Jean, comme c’est le cas pour Matthieu, Marc et Luc. Nous ferons donc une lecture continue de Jean en tâchant de faire des liens avec l’année liturgique. Au long de l’Avent, nous méditerons le prologue (Jn 1, 1-18) qui ouvre l’évangile et est lu entièrement, chaque année, le jour de Noël. Cette semaine : Jn 1, 6-8.

3.  Son nom était Jean

Il est venu pour rendre témoignage à la Lumière. (Jn 1,7)

Ce Jean qui ne peut être que celui que nous nommons le Baptiste est ici désigné par trois termes positifs : un homme, un envoyé, un témoin ; et une restriction : « cet homme n’était pas la Lumière. » (1,8) Lui qui n’est qu’un homme, bien loin donc de la dimension divine du Verbe, sa mission est de « rendre témoignage à la Lumière afin que tous croient par lui. » (1,7)

Ce n’est pas de lui-même que cet homme, Jean, s’est constitué témoin. En effet, « il est envoyé par Dieu pour rendre témoignage ». (1,6) Il nous est présenté comme le premier témoin, le témoin universel qui s’adresse à tous : il témoigne de la Lumière, celle qui vient illuminer tout humain et donner sens à l’existence. Sa mission est de conduire à la foi en ce Verbe, Jésus, Lumière des hommes. Il prépare, il précède, il annonce, il témoigne. Comme chacun de nous.

Le témoin

Envoyé et témoin, telle est la définition de tout chrétien qui, comme Jean le Précurseur, est appelé à « rendre témoignage à la Lumière afin que tous croient par lui. » (1,7) « Pour qu’ils puissent donner avec fruit ce témoignage du Christ, les chrétiens doivent se joindre aux hommes par l’estime et la charité… découvrir avec joie et respect les semences du Verbe qui se trouvent cachées [dans leurs traditions nationales et religieuses]… Le Christ lui-même a scruté le cœur des hommes et les a amenés par un dialogue vraiment humain à la lumière divine ; de même, ses disciples doivent connaître les hommes au milieu desquels ils vivent, engager conversation avec eux, afin qu’eux aussi apprennent dans un dialogue sincère et patient, quelles richesses Dieu a dispensées aux nations. » (Vatican II, Décret sur l’activité missionnaire de l’Église, n° 11)

Abbé Marcel Villers

HISTOIRE DES MISSIONS 4. La mission immobile

4. La mission immobile ou par attraction 

L’Europe gallo-romaine connut une évangélisation individuelle et par attraction. Des soldats ou des marchands, par leur exemple et style de vie, propagèrent la foi chrétienne le long des routes et des fleuves. L’action missionnaire fut alors diffusion d’une façon de vivre, de penser et de croire. Diffusion spontanée, c’est-à-dire, par la force d’attraction du christianisme lui-même, par contagion sur le monde environnant. On va chez des amis, chez des clients, chez des cousins. L’évangélisation se faisait à ces occasions, au gré des rencontres. Ce modèle missionnaire est la mission des petites gens : une mission dans la simplicité des contacts, une mission faite par des familles, des individus, au gré des circonstances de la vie. On a parlé de « mission immobile ».

Dans toute la Gaule, les monastères constituèrent des centres rayonnant de vie religieuse mais aussi de culture et d’art. Au VIe s., les moines irlandais se firent missionnaires et répandirent leur règle austère sur le continent. L’évangélisation va être appuyée et même diligentée par les autorités franques, récemment converties. Après les invasions barbares, il s’agit d’une deuxième évangélisation, orientée vers les campagnes et ces peuplades païennes venues du Nord. Au VIIe siècle, les rois mérovingiens vont favoriser cette évangélisation, particulièrement par la création de monastères. On parle alors d’évangélisation par rayonnement sur les populations environnantes.

Les gens des campagnes, étaient attirés par les belles cérémonies liturgiques, le culte des saints. Ajoutons l’exercice de la charité à la porte du monastère. Enfin, il y avait l’exemple d’une vie de piété, d’abnégation, de travail, d’amour du prochain. Les moines circulaient aussi dans la région et y prêchaient.

Abbé Marcel Villers