HISTOIRE DES MISSIONS : 13. Romantisme missionnaire XIXe s.

13. Le romantisme missionnaire du XIXe siècle

En 1802, Châteaubriand publie le « Génie du christianisme » où il présente le missionnaire comme un héros intrépide, œuvrant au salut des peuples ignorants et sauvages.

« Humaniser le sauvage, écrit-il, instruire l’ignorant, guérir le malade, vêtir le pauvre et semer la concorde et la paix parmi les nations ennemies : c’est ce que les religieux chrétiens ont fait et font encore tous les jours. Les mers, les orages, les glaces du pôle, les feux des tropiques, rien ne les arrête… Le missionnaire dont la vie se consume au fond des bois, qui meurt d’une mort affreuse, sans spectateurs, sans applaudissements, sans avantages pour les siens, obscur, méprisé, traité de fou, d’absurde, de fanatique, et tout cela pour donner un bonheur éternel à un sauvage inconnu, de quel nom faut-il appeler cette mort, ce sacrifice ? » (Extrait du Livre IV)

Ce portrait du missionnaire, tout imprégné du romantisme naissant, va provoquer un élan de générosité sentimentale fait de compassion pour ces peuples sauvages, d’attrait exotique et d’aventure, d’enthousiasme pour créer un monde neuf dans ces territoires lointains, à peine découverts, en Amérique du nord, en Afrique.

Cette construction de la figure héroïque du missionnaire se retrouve dans les revues et romans de propagande des différents instituts, masculins et féminins, qui se multiplient au XIXe s. En un siècle, trois cents sociétés missionnaires vont naître, ce qui n’est possible que grâce à un immense soutien, sentimental et financier, des catholiques d’Occident. La propagande missionnaire va chercher à susciter admiration et générosité en racontant la vie, les épreuves, le martyre des missionnaires, ce qui va provoquer des vocations nombreuses et mobiliser de larges moyens de soutien.

Ce mouvement missionnaire a aussi un ressort plus subtil, celui de compenser le terrain perdu en Europe par l’Église, suite aux révolutions et à l’expansion du libéralisme. De fait, ils sont nombreux ces instituts créés d’abord pour les missions intérieures et qui se tournent très vite vers les missions du dehors. On rêve de reconstituer dans ces terres vierges la chrétienté perdue en Europe.

Abbé Marcel Villers

ART ET FOI Saint Denis Fêté le 9 octobre

DENIS DE PARIS (IIIe s.)

Évêque et martyr. Fêté le 9 octobre.

Description du panneau
Revêtu des insignes épiscopaux : mitre, crosse et chape, Denis tient devant lui sa propre tête mitrée car, selon la légende, il aurait ramassé sa tête, après sa décapitation, et l’aurait ainsi transportée jusqu’au lieu de sa sépulture.

« Denis naquit probablement en Italie où il fut ordonné prêtre et consacré évêque. Selon la tradition, le pape l’envoya prêcher dans les Gaules ainsi que cinq autres évêques. Denis entreprit sa tâche avec deux compagnons, un prêtre appelé Rustique et un diacre du nom d’Éleuthère. A son arrivée à Lutèce, sa prédication fut si efficace qu’il organisa un centre chrétien sur la future île de la Cité. Cette activité lui valut, ainsi qu’à ses deux compagnons, d’être persécuté, emprisonné et décapité vers 250. On pense qu’il subit le martyre sous la persécution de Dèce (250) ou de Valérien (258). » (Rosa GIORGI, Comment reconnaître les saints, 2003, p.103)

Diverses légendes, reprises dans la Légende dorée (XIIIe s.), vont amplifier ces quelques faits. Ainsi, jeté en prison, alors qu’il célébrait la messe pour les chrétiens enfermés avec lui, Denis vit le Christ lui apparaître et lui porter la communion.
Après avoir été décapité, Denis s’est relevé, a pris sa tête coupée entre ses mains et a parcouru ainsi quelques kilomètres jusqu’au lieu de son tombeau. Il est ainsi le plus célèbre des saints « céphalophores ».
C’est sainte Geneviève (420-500) qui fit construire une église sur sa tombe, huit kilomètres au nord de la Seine, l’actuelle basilique Saint-Denis. « Les rois de France ont fait de ce saint évêque le patron du royaume et de leurs dynasties successives. C’est en 639 que le roi Dagobert fait transporter les reliques du saint dans l’église de Saint-Denis qui devient progressivement le sanctuaire de la monarchie française et_le siège d’une importante abbaye fondée au VIIe s. » (Michel PASTOUREAU et Gaston DUCHET-SUCHAUX, La Bible et les saints, Paris, 2017, p. 219).

Abbé Marcel Villers
Illustration : panneau du plafond de la nef de l’église de Theux (1630)

ART ET FOI. Saint Corneille le 16 septembre.

CORNEILLE (IIIe s.)

Pape de 251 à 253. Martyr. La tradition unit Corneille et Cyprien dans une même fête, le 16 septembre.
Le saint est représenté en habits épiscopaux ou pontificaux et avec les insignes propres au pape comme la tiare et la croix à trois branches. Par assonance avec son nom, l’attribut principal du saint est une corne, soit de chasse, soit de bovin, animal avec lequel il est souvent représenté.

Saint Corneille est invoqué par les agriculteurs et éleveurs, contre les convulsions que ce soient des bovins et bêtes à cornes, mais aussi, selon les régions, d’autres animaux de ferme. Il est aussi prié au profit des humains contre des formes de convulsions comme le « mal caduc » (ergotisme convulsif) ou « le haut mal » (épilepsie) qui seront désignés sous le nom de « mal de saint Corneille ».

Corneille, descendant probable de la gens Cornelia, fut élu pape en 251, après une vacance de quinze mois due à l’hostilité de l’empereur Dèce (248-251) qui ne supportait pas un évêque à Rome. Après la persécution de 250, la question importante fut de savoir comment traiter les apostats. Cyprien, évêque de Carthage, mit son influence au service de Corneille qui, comme lui, accordait le pardon aux coupables repentants, refusant au nom de l’accueil universel, une Église de purs. De ce fait, Corneille et Cyprien se lièrent d’une étroite amitié.
Fin 252, une terrible peste s’abattit sur l’empire et les païens en accusèrent les chrétiens. L’empereur Gallus (251-253) rouvrit les persécutions et le pape Corneille fut le premier arrêté, ce qui provoqua la manifestation de nombreux chrétiens. Du coup, on se contenta de l’exiler à Civitavecchia où il mourut l’année suivante (253). Mort en exil, il fut considéré comme martyr.

La dévotion à Saint-Corneille se répandit dans nos régions depuis l’antique abbaye de Kornelimünster (en français : monastère de Corneille). Fondée vers 814 par les Carolingiens dans les environs d’Aix-la-Chapelle, cette abbaye développa, à partir du XIIe s., pèlerinage et vénération des reliques de saint Corneille dont elle possédait le crâne depuis le IXe s. On connaît les relations et échanges de reliques entre Kornelimünster et Stavelot, comme entre Stavelot et Theux qui pourrait avoir reçu, dans ce cadre, une relique de saint Corneille.

Des reliques sont vénérées à Theux après la messe lors d’un triduum annuel, dont on trouve mention fin XIXe s. (1894 avec le curé Corneille Petit) jusqu’au premier tiers du XXe s. où la fête de saint Lambert (17/09) semble réduire celle de saint Corneille, la veille, à une messe en mémoire du curé Corneille Petit.

Abbé Marcel Villers
Illustration : panneau du plafond de la nef de l’église de Theux (1630)

ART ET FOI. Saint Pierre, apôtre. Fêté le 22 février

Saint PIERRE

Apôtre, martyr à Rome. Selon la tradition, premier évêque de Rome.
Premier titulaire de l’église de Theux, celui donné à l’édifice mérovingien (VIIe-IXe s.).
Fêté en même temps que Paul le 29 juin car selon le martyrologe romain : « Pierre et Paul souffrirent la même année et le même jour sous l’empereur Néron.  Le premier fut crucifié dans la Ville, la tête en bas… » Selon les historiens, Pierre, venu à Rome pour y consolider l’Église naissante, est martyrisé en l’an 64 probablement, Paul en 67.
Fête de la Chaire de Pierre le 22 février où l’on honore la cathèdre de l’évêque de Rome, symbole de son autorité sur Rome et l’Église.
Une troisième fête, anciennement au 1er août, célèbre Saint-Pierre-aux-Liens dont les chaînes sont vénérées dans la basilique romaine du même nom.
Saint Pierre est honoré comme protecteur des cordonniers, maçons, pêcheurs, poissonniers, fabricants de clés, concierges et portiers.(Rosa GIORGI, Comment reconnaître les saints, 2017, p. 304)

Iconographie
Le panneau du plafond est conforme à la physionomie de Pierre fixée dès le Ve s. sur la base d’Eusèbe de Césarée (IIIe-IVe s.) : cheveux courts et bouclés, barbe courte et frisée, crâne chauve (signifiant la tonsure qui fait de lui le premier prêtre) d’où émerge une touffe de cheveux sur le front. Parmi ses attributs classiques : les clés, le coq, un livre, parfois la barque. Notre panneau reprend le plus ancien : les clés. Pierre tient deux clés liées, une d’or (le ciel) et une d’argent (la terre) ; il a les clés du ciel et de la terre qui symbolisent le pouvoir suprême, celui de lier et de délier pour l’éternité, celui d’absoudre ou d’excommunier. Les deux clés sont liées ensemble car le pouvoir d’ouvrir et de fermer est un seul. Ce pouvoir en fait le portier ou concierge du paradis. A partir du XIIIes., il est représenté vêtu comme un évêque ou un pape ; les deux clés figurent dans les armes pontificales avec la tiare à partir de la fin du XIIes.

Simon est un pêcheur de Bethsaïde (Jn 1,44), établi plus tard avec sa femme et sa famille à Capharnaüm (Mc 1,21-23). Il devient disciple de Jean-Baptiste avec son frère André qui l’introduit ensuite auprès de Jésus (Jn 1,41). Il accompagne Jésus tout au long de sa vie publique et est associé aux moments clés comme la Transfiguration ou la profession de foi demandée par Jésus avant la montée vers Jérusalem. C’est alors qu’il mérite le surnom de Pierre (Mt 16,17-19). Il reniera Jésus lors de son arrestation, mais pleurera de repentir. Il est le premier témoin du tombeau vide (Mc 16,7). Il prend la direction de la communauté chrétienne et suivra Paul pour ouvrir l’Église aux païens (Ac 10-11). Il rejoint Rome, y confirme l’Église naissante et y meurt martyr en 64.

Abbé Marcel Villers
Illustration : plafond de l’église de Theux (IRPA)