SOURCES : 32. La chaleur de l’Esprit

SOURCES

Dans cette rubrique, il est question de sources, celles qui nous font vivre, celles qui donnent sens à notre action, celles qui contribuent à construire notre identité.  Aujourd’hui comme hier, nous avons besoin de boire à ces sources pour vivre et donner sens à notre engagement.  Chaque jeudi, vous est proposé un texte à lire, méditer, prier.

Abbé Marcel Villers

LA CHALEUR DE L’ESPRIT

 « C’est une parabole : le Père est le soleil, le Fils est sa lumière, le Saint Esprit sa chaleur et les trois ne font qu’un.

Il n’y a qu’un soleil, on ne peut séparer son éclat non plus que sa chaleur : il n’est pas de soleil sans lumière et quand il brille nous sentons sa chaleur.

Le soleil est au ciel et pourtant il nous éclaire et nous réchauffe sur terre et quand sa clarté s’éteint et lorsque vient la nuit, demeure sur la terre un peu de sa chaleur qui rayonne comme le fait le Saint Esprit que notre Seigneur a laissé à ses disciples.

La chaleur du soleil fait mûrir tous les fruits. Ainsi l’Esprit nous sanctifie-t-il tous. La chaleur du soleil chasse le froid de nos membres. Les doigts gourds en deviennent agiles. Ainsi fait l’Esprit en nos âmes que paralysait le mal.

La chaleur du soleil fait germer le blé. Ainsi l’Esprit fait-il apparaître l’Église. Cette chaleur fait sourire les lèvres fermées dans un silence glacé et solitaire. Alors on se met à parler toutes les langues des hommes comme il en fut au jour de la Pentecôte.

Ce que la chaleur fait dans le monde, le Saint Esprit le fait en nous. » (Ephrem, Hymnes sur la foi)

EPHREM, dit LE SYRIEN (vers 300-373), né à Nisibe en Perse (Irak actuel). Il est diacre de l’Église syriaque et Docteur de l’Église. On appelait ce mystique : « la harpe du SaintEsprit. »

Clés pour lire Jean : 30. Dieu Trinité

Clés pour lire l’évangile de Jean

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. En cette fête de la Trinité, nous lisons : Jn 3, 16-18.

30. Dieu est amour

Dieu a tant aimé le monde (Jn 3,16)

Ce que le chrétien a en propre, il le proclame chaque fois qu’il se signe : « Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ». De même au début de la messe, vient ce souhait, repris de St. Paul : « La grâce de Jésus notre Seigneur, l’amour de Dieu le Père et la communion de l’Esprit Saint soient toujours avec vous. »

Cette dernière formule explicite le signe de croix. Elle commence par Jésus. Normal, car pour les chrétiens, Jésus est premier. C’est par lui et en lui que Dieu vient à nous. En ce sens, Jésus est la « grâce », le cadeau, le don de Dieu, et, de ce fait, nous révèle qui est Dieu : un Père qui, par amour, nous livre son Fils. « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. »

Si Dieu vient à nous par et en Jésus, il est aussi vrai que c’est à partir de Jésus, de sa personne, de ses actes, que le chrétien va vers Dieu. Il faut donc sans cesse revenir à Jésus et reprendre ce qu’il a dit, ce qu’il a accompli pour découvrir, caché sous l’obscurité de la chair de cet homme, la présence de Dieu.

Voilà le travail de l’Esprit-Saint : « Il vous guidera vers la vérité toute entière… il reprendra ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. »

Et Dieu dans tout ça ?
Toutes les religions cherchent à exprimer leur différence par une nomination de leur Dieu qui soit caractéristique, significative de leur originalité. Il y va de leur identité. Car quand on dit : « Dieu », que dit-on ? Sous ce mot, les religions et les philosophes entendent des choses bien différentes.
Les Juifs, par respect pour la grandeur de Dieu, ne prononcent jamais son nom. Connaître le nom, n’est-ce pas déjà avoir prise sur quelqu’un ? Or l’être humain ne peut prétendre s’emparer de Dieu.
Les Musulmans répètent inlassablement que « Dieu est plus grand », « Allah akbar ». Plus grand que tout ce que l’homme peut en imaginer, en concevoir, en dire. Reste à l’adorer.
Le bouddhiste exclut toute référence à Dieu et est, au sens premier du mot, athée. Pour lui, de Dieu on ne peut rien dire. Les discours sur Dieu ne sont qu’une manière de fuir le vrai problème de l’homme qui est purement pratique : comment se libérer de tout attachement et de tout désir.
En Occident, les philosophes ont construit le concept « Dieu ». Dieu, un Être supérieur, au-dessus et à l’extérieur de nous. Dieu, un Principe abstrait, parfait et autosuffisant. On comprend qu’on ait pu conclure que l’homme a fait Dieu à son image, à son idée. Au bout du processus, inévitablement, il reste à constater que « Dieu est mort ». Il n’est qu’une projection, un double de l’homme.

Abbé Marcel Villers

SOURCES : 8. Trinité

8. L’union dans la différence

Lorsque le chrétien confesse la Trinité, il célèbre un Dieu qui est Amour ( 1 Jn 4,8), mystère d’unité dans la différence.
Que produit l’amour de charité ?
La charité établit la communauté des personnes sur la base des différences, respectées et reconnues indispensables les unes aux autres. L’union et la différenciation croissent ensemble. En Dieu-Trinité, l’unité est si plénière qu’elle porte en elle le mystère de l’autre ; la différence des personnes n’oppose pas mais pose les autres.

Le mystère de la Trinité se révèle fécond pour penser l’humanité. Les humains sont, en effet, rassemblés, à travers le temps et l’espace, dans une unité foncière. Cette unité, chacun est appelé à en prendre conscience et à la faire exister dans une différence qui ne soit pas opposition. Unité et différences doivent croître ensemble.
« Dieu est saintement loué comme Unité à cause du caractère de simplicité et d’unité de cet Indivisible dont la puissance unifiante nous unifie nous-même et rassemble nos altérités pour nous conduire ensemble à cette unification qui a Dieu même pour modèle. » (Denys l’Aéropagite, Noms divins, I, 4)

Aujourd’hui, nous sommes de plus en plus sensibles à une double quête : l’unité du genre humain et l’identité irréductible de chaque personne, de chaque peuple, de chaque culture. Notre programme est bien la Trinité. Dans le mystère du Dieu-Trinité se fonde le combat contre tous les totalitarismes, toutes les tentatives de faire de la personne la partie d’un tout auquel elle serait subordonnée.
La Trinité, c’est la source et le modèle d’une humanité où l’unité croît avec la différenciation, c’est-à-dire, le respect du caractère infini de chaque personne.

Abbé Marcel Villers

Solennité de la Trinité : Au nom de qui ?

Au nom de qui ?

Quand Jésus ou, après lui, les apôtres, ont annoncé le Règne de Dieu comme tout proche ou ont pardonné et guéri des gens, les autorités religieuses leur ont aussitôt demandé : « Au nom de qui ? » Autrement dit, qui vous envoie ? qui vous mandate ? Bref, quel crédit, quelle autorité accorder à votre parole, à votre action ? Qui est derrière vous ?
« Au nom de qui ? »
La réponse, nous la connaissons : « Au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit. » Belle profession de foi ! Nous sommes face à une espèce de résumé du Credo des chrétiens.
Mais cette réponse amène de suite une autre question :
« Qui donc est ce Dieu : Père, Fils et Saint Esprit ? »

La diversité des religions correspond à des conceptions différentes du rapport entre l’homme et Dieu : soumission, confiance, crainte, etc. Si nous observons l’attitude prise pour prier, nous avons là une indication sur le lien entre l’homme et son Dieu. Le bouddhiste est assis. Le musulman est prosterné. Le chrétien est debout. Saint Paul nous donne la clé pour comprendre. « L’Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur ; c’est un Esprit qui fait de vous des fils. » (Ro 8,14-15)
L’œuvre de l’Esprit est de nous relier à Dieu comme des fils à leur père. « Poussés par cet Esprit, nous crions vers le Père en l’appelant « Abba ! » (Ro 8,16) Ce Dieu-Père, c’est Jésus qui nous l’a fait connaître.
Dans sa prière, Jésus s’adressait à Dieu en lui disant : « Abba, Père. » (Mc 14,36) Et pour qualifier leurs relations, il disait : « Nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler. » (Mt 11, 27)Cette profonde intimité entre Jésus et Dieu, entre le Fils et le Père, ce qui les unit si étroitement, c’est l’Esprit Saint. C’est lui le lien. Être chrétien, c’est se laisser conduire par l’Esprit qui nous est donné. Cet Esprit, c’est celui qui unit le Christ à Dieu ; c’est le propre Esprit du Père et du Fils qui nous est communiqué.

Devenir chrétien, c’est se laisser travailler par l’Esprit Saint pour devenir de plus en plus ressemblant, uni étroitement à Jésus. Ce travail, on le nomme justement la vie spirituelle, la vie dans l’Esprit. Cet Esprit nous façonne à l’image du Fils, il nous configure au Christ. Et nous entrons ainsi dans une relation à Dieu qui est à l’image de celle que Jésus entretient avec Dieu. Ainsi lorsque ses disciples lui ont demandé comment il fallait prier, Jésus a répondu : « Lorsque vous priez, dites : Notre Père qui es aux cieux. » (Mt 6,9)
Et Saint Paul d’en conclure : « La preuve que vous êtes des fils, c’est que Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père ! Aussi n’es-tu plus esclave mais fils. » (Ga 4, 6)

Voilà bien un des traits propres de la religion chrétienne : faire de Dieu un père, des hommes ses fils, et donc des frères entre eux. Car ce qui caractérise la relation entre l’homme et Dieu, ce sont, selon la foi chrétienne, la liberté et l’amour.

La liberté. « Tu n’es plus esclave, mais fils », écrivait St Paul. En effet, par l’Esprit, don de Dieu, nous ne sommes plus des serviteurs, des esclaves. Dieu nous a affranchis, rendus libres en faisant de nous ses enfants, ses fils.
Cette liberté débouche sur l’amour. Le seul service que nous avons encore à rendre est celui de nos frères. « Vous avez été appelés à la liberté ; par la charité mettez-vous au service les uns des autres. » (Ga 5,13)
Liberté, amour. L’Esprit est enfin source de vie. Comme l’énonce clairement l’apôtre Paul : « Si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. » (Ro 8, 11)

Cet Esprit habite en nous depuis notre baptême dont la confirmation n’est que la conclusion, l’achèvement. Nous comprenons alors l’ordre de mission donné par Jésus à l’Église : « Allez ! De toutes les nations, faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. »

Abbé Marcel Villers
Illustration : Andrea del Castagno, Fresque Trinità e santi (détail), Florence 1453-1454