Histoire des missions : 23. Vatican II

23. Vatican II et l’activité missionnaire

C’est la première fois qu’un concile traite de l’activité missionnaire de l’Église ; le décret Ad gentes est promulgué, lors de la dernière session, le 7 décembre 1965. Ce texte a donné une nouvelle orientation à la mission. Il rappelle que l’Église est missionnaire de par sa nature elle-même. La mission est ainsi l’épiphanie, la manifestation du projet de Dieu. « Pour affermir la paix, autrement dit la communion avec lui, et pour établir la fraternité entre les hommes, Dieu décida d’entrer dans l’histoire humaine en envoyant son Fils dans notre chair. » (Ad gentes, n°3) Il ne s’agit plus d’imaginer la mission comme une conquête ou une opération d’expansion de l’Église de sorte qu’un jour, l’Église cesserait d’être missionnaire quand toute l’humanité l’aura rejointe. Pour le concile, une Église qui cesserait d’être missionnaire cesserait d’être l’Église de Jésus-Christ. C’est la fin de l’ère des missions au profit de celle de la mission.

La responsabilité missionnaire devient celle de tous les fidèles, celle de partager avec tous le don de Dieu et de permettre à tous les peuples d’accueillir son Règne. Néanmoins, des hommes et des femmes restent chargés d’un ministère qui est celui de toute l’Église : « marqués d’une vocation spéciale, doués d’un caractère naturel adapté, prêts à assumer l’œuvre missionnaire, ils partent dans la foi et l’obéissance vers ceux qui sont loin du Christ. » (Ad gentes, n°23) Le missionnaire ne part pas nécessairement dans un pays lointain ; il est envoyé au plus près des plus loin, d’ici et de partout. Du géographique, on passe au relationnel.

Plusieurs documents ultérieurs vont compléter ces perspectives, dans deux directions : la théologie du salut et le respect des religions. En 1967, Populorum progressio de Paul VI met en évidence la dimension libératrice de l’Évangile qui sera élaborée et mise en œuvre surtout par les épiscopats latino-américains : le combat pour la justice et la participation à la transformation du monde sont des dimensions constitutives de la mission de l’Église. L’ouverture aux diverses religions amène à les considérer non plus comme des rivales mais des compagnes de route. L’évangélisation se fait dialogue car l’Esprit est à l’œuvre à chaque époque et partout dans le monde, donc aussi dans les autres religions et leurs fidèles : « sa présence et son action ne concerne pas seulement les individus, mais la société et l’histoire, les peuples, les cultures, les religions », écrit Jean-Paul II dans Redemptoris missio (1990).

Abbé Marcel Villers

21e dimanche ordinaire Lc 13, 22-30 La porte étroite de la liberté

 


Seigneur, n’y aura-t-il que peu de gens à être sauvés ?
Autrement dit, qui entrera dans le Royaume, qui sera sauvé ? Cette interrogation curieuse ou angoissée en cache une autre : serai-je du nombre et comment en être sûr ?
Voilà un souci de moins en moins partagé aujourd’hui. Qui cherche à savoir s’il sera au nombre des élus ?Qui se pose encore la question du salut alors que nous avons atteint un niveau de vie qui nous met à l’abri de bien des soucis ? De quoi devrions-nous être sauvés ?

Et pourtant !
Nombreuses sont les sectes où, comme les Témoins de Jéhova, on va deux à deux proclamer que la fin du monde est proche et qu’il faut se convertir pour être sauvés. Il y a surtout aujourd’hui les mouvements écologistes qui eux aussi annoncent la fin de la planète et demandent la conversion de nos comportements pour sauver la terre. Nouvelle résurgence de la peur de la fin du monde, que nous trouvons déjà chez les prophètes, comme chez les premiers chrétiens. Pour eux, nous sommes dans les derniers temps avant la venue du Royaume. Qui pourra y entrer, échapper à la catastrophe, au jugement ?Bref, qui sera sauvé ?

La réponse de Jésus est surprenante : Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite.
Pour lui, le salut ressemble à un fabuleux festin préparé dans une grande salle de fête. Il y a place pour tout le monde. On viendra de l’Orient et de l’Occident, du nord et du midi, prendre place au festin dans le Royaume de Dieu.
Ouverte à tous, la porte de cette salle est cependant étroite, très étroite. Et on se bouscule pour entrer et participer à la fête. Seul celui qui est décidé à se battre parviendra à passer la porte. Ne parviendra à entrer que celui qui est décidé à lutter. Le salut est œuvre de l’homme, comme de la grâce de Dieu. Le festin nous est offert par Dieu. Mais y entrer est notre combat. Il n’y a pas de places réservées. La porte est ouverte à tous, mais pour accéder au festin, il faut y mettre le prix. Il faut passer la porte étroite.

C’est quoi cette porte étroite qui mène l’homme au salut ? La porte étroite, c’est celle de la liberté.
Jésus est cet homme libre qui a rendu libres les êtres humains en leur révélant un Dieu d’amour. Il nous a libérés de la peur, peur d’un Dieu juge implacable. Il nous a libérés de toutes ces images d’un Dieu tout-puissant demandant notre soumission, d’un Dieu culpabilisant écrasant l’homme sous le poids du péché. Dieu est bonté, miséricorde, cherchant le bonheur de l’homme. Le salut, c’est la libération, la naissance d’un être libre, libre d’aimer et d’être soi.

Cela suppose un travail sur soi, une conversion de nos images de Dieu et de nous-mêmes, une conversion de nos pratiques. Comme quoi, être libre est le fruit d’un véritable combat. Jésus nous en a montré le coût : il a dû passer par la porte étroite de l’humilité, de l’abaissement, du don de soi, bref par la croix.
Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite.
Il est temps. Bientôt la porte sera fermée. « Qu’attendez-vous ? », nous lance Jésus. Ce n’est pas plus tard qu’il faut décider. C’est ici et maintenant que nous devons choisir, opter en faveur de Jésus et de son chemin de liberté et de vie. Mais, direz-vous, « c’est fait puisque nous sommes ici. » Ne croyons surtout pas qu’appartenir à l’Église fait de nous des élus et nous dispense du combat spirituel. Inutile, comme les exclus, d’argumenter : Nous avons mangé et bu avec toi. Comme nous le faisons à chaque eucharistie.

Cela ne suffit pas : Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite.

Abbé Marcel Villers

Clés pour lire l’évangile de Luc : 1. Votre rédemption approche

Clés pour lire l’évangile de Luc

Dans cette série hebdomadaire (parution le mercredi matin), nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Luc. Cette semaine : Lc 21, 25-28.34-36 du 1er dimanche de l’Avent.

Votre rédemption approche

Restez éveillés et priez :
ainsi vous aurez la force de vous tenir debout devant le Fils de l’homme
(Lc 21,36)

« Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie » (21,34). Deux pièges, en effet, guettent le croyant : l’engourdissement et le divertissement.

La vie de foi est faite du désir et de l’attente de la venue et de la rencontre du Christ. À force d’attendre, notre désir peut s’émousser et une sorte d’engourdissement spirituel s’ensuit : on continue machinalement à poser des gestes religieux, mais sans âme. L’autre dérive est le divertissement. Le désir s’inscrit dans un manque, celui de Dieu. Ce manque peut être ressenti comme un vide qu’il faut alors combler par les plaisirs, les soucis, l’agitation.

La vie spirituelle est une lutte contre ces deux tentations. « Restez éveillés et priez en tout temps » (21, 36). Vivre éveillés et cultiver l’attente de Celui qui vient, n’est-ce pas ce en quoi consiste la prière ?

La rédemption

Ce terme traduit le grec apolutrôsis qui comporte « l’idée d’un affranchissement, d’une libération, d’une délivrance, impliquant un prix ou une compensation à payer. On emploie ce terme pour la libération des esclaves et des prisonniers, mais aussi pour la délivrance de diverses difficultés, contraintes et dangers. Signifiant épargner, préserver, conserver sain et sauf, le terme devient l’équivalent de sauver au sens profane et religieux.

Dans l’Ancien Testament en grec (la Septante), Dieu est le sujet du verbe grec lutroomai qui traduit divers mots hébreux signifiant : racheter, délivrer, sauver, arracher à un danger. Dieu libère son peuple afin de se l’acquérir comme bien précieux. Dans le Nouveau Testament, nous devons entendre cette opération divine comme une libération, une délivrance, une ré-union à Dieu qui nous arrache à tout esclavage autre que celui de l’amour qui nous a renouvelés et que la croix de Jésus exprime. » (Jean-Marie PREVOST (dir.), Nouveau vocabulaire biblique, 2004, p.283-287).

Abbé Marcel Villers

Clés pour lire l’évangile de Marc : 31. La mission

Clé pour lire l’évangile de Marc

Dans cette série hebdomadaire (parution le mercredi matin), nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Marc. Cette semaine, nous revenons sur l’envoi en mission : Mc 6, 10-13.

31. La mission

Il leur donnait autorité sur les esprits impurs. (Mc 6,7)

Jésus envoie ses disciples en mission. En quoi consiste-t-elle ? La mission consiste à libérer et guérir. « Ils expulsaient beaucoup de démons et guérissaient de nombreux malades. » (6,13) L’action missionnaire est nécessairement une lutte menée contre ces puissances aliénantes que sont les démons. La foi chrétienne est libération de la peur, peur des démons et de tous ces êtres mystérieux qui peuplent la nature ou prennent possession des humains.

Au pouvoir d’exorciser s’ajoute la mission de guérir. Le christianisme est, en effet, une religion thérapeutique, une religion du salut, autrement dit de la santé, et santé globale. La mission, c’est d’abord des actes qui révèlent le Dieu des chrétiens comme un pouvoir bienfaisant au bénéfice de l’homme, un Dieu philanthrope.

L’onction d’huile

« Ils faisaient des onctions d’huile à de nombreux malades. » (6,13) « L’usage de l’huile d’olive parfumée est fréquent en Orient ; elle est en usage pour les soins de beauté (Ps 45,8-9), comme médicament pour les malades (Mc 6,13) ou onguent pour calmer la douleur (Lc 10, 34), et comme aromate pour ensevelir les morts (Mc 14,3 ; 16,1). Dans la Bible, le roi est sacré. Il est celui qui a reçu l’onction, il est l’oint du Seigneur ou messie (terme transposé de l’hébreu). Les prêtres et les objets du culte sont consacrés par une onction d’huile.
La liturgie chrétienne a conservé cet usage sacré de l’huile pour l’administration des sacrements de baptême, confirmation, ordre et onction des malades. » (CHOURAQUI André, L’univers de la Bible, tome XX, Paris, 1985)

Abbé M. Villers