Homélie pour le dimanche de la Sainte Famille
Polleur, le 29 décembre 2013
Nous voici au lendemain de Noël. Nous savourons encore le bonheur de nous être retrouvés en famille. La paix, la douceur de Noël, nous souhaiterions tant les prolonger.
N’est-ce pas l’ambiance idéale pour fêter la Sainte Famille ?
Oui, mais ce n’est pas ainsi que se termine l’évangile de Noël.
Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr.
Il y a quelques jours, nous chantions : Paix aux hommes que Dieu aime.
Voici la guerre déclarée. La haine d’Hérode oblige à fuir. Noël, c’est aujourd’hui deux fugitifs, forcés de tout laisser derrière eux pour que l’enfant soit sauvé.
Aujourd’hui dans notre monde, combien sont-ils, comme Joseph et Marie, contraints de fuir la haine, la persécution, la guerre ? Nous les voyons arriver près de chez nous.
Ils sont des centaines, des milliers à prendre la route ou la mer. Ni les vents, ni les sables, ni la tempête, ni les pillards, ni les murs, ni les barbelés ne les arrêtent. Ils et elles ont tout quitté, famille et patrie, langue et culture pour fuir l’horreur. Combien ne sont jamais arrivés : ils ont péri dans le désert, la mer ou un camion frigorifique.
Le prophète Isaïe (60,11) nous avait pourtant prévenus : Tes portes seront toujours ouvertes, elles ne seront fermées ni jour, ni nuit afin de laisser entrer chez toi les trésors des nations.
Pourquoi leur fermons-nous nos portes ? Combien de réfugiés sont accueillis dans notre pays, notre commune ? Joseph, Marie et Jésus sont pourtant parmi eux.
Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte.
La venue de Jésus ne coïncide pas avec paix et bonheur pour le monde. Ni hier, ni aujourd’hui. Il naît à l’écart, rejeté de tous : pas de place pour lui dans la salle commune. Il n’y a qu’une mangeoire d’animaux pour héberger le nouveau-né.
Puis, c’est le massacre des innocents, l’exil, se lever, partir, fuir sur les routes vers un pays étranger. Tel est le sort de la Sainte Famille, et de combien de familles dans le monde.
Qui de nous, demandait le Pape François à Lampedusa, qui de nous a pleuré pour ces familles décimées par le naufrage du bateau ? Qui a pleuré pour les jeunes mamans qui portaient leurs enfants ? Pour ces immigrés cherchant chez nous de quoi soutenir leurs propres familles ? Et le Pape de conclure : Nous sommes une société qui a oublié l’expérience des pleurs, du souffrir avec : la mondialisation de l’indifférence nous a ôté la capacité de pleurer !
Hérode a semé la mort, ajoute le Pape, pour défendre son propre bien-être, la bulle d’indifférence et de futilité où il s’enferme, fermant les yeux sur le reste du monde.
Lève-toi ; prends l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr.
Qu’est-ce que cela nous révèle de Dieu, du Dieu des chrétiens ? Étrange protecteur que ce Jésus qu’il faut protéger. Étrange sauveur que celui qu’il faut sauver. Étrange tout-puissant qui doit fuir ses ennemis. Étrange parents qui s’en remettent à un enfant sans défense.
Une fois de plus, par ses paradoxes, l’Évangile casse nos représentations de Dieu, du salut, de la foi. Dieu, manifesté en Jésus, se révèle comme fragile et confié au soin de l’homme. Comme tous nos frères humains nous sont confiés. C’est dans la faiblesse et l’humilité que l’on peut reconnaître notre Dieu. C’est en chaque être humain qu’il se révèle et qu’il nous faut le reconnaître. L’incarnation, Noël, c’est bien la révélation du Dieu chrétien.
Ce que tu as fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que tu l’as fait. Ce que tu n’as pas fait à l’un de ces petits, c’est à moi que tu ne l’as pas fait.
Mais il n’est pas trop tard.
Bonne année !
Abbé Marcel Villers
Illustration: La fuite en Égypte, au plafond de l’église de Theux.
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