Clés pour lire l’évangile de Jean : 37. L’accusateur

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. Nous poursuivons la lecture continue de l’évangile. Jésus se fait l’accusateur de ses adversaires : Jn 5, 39-47.

37. L’accusateur

« Vous scrutez les Écritures… ce sont elles qui me rendent témoignage. » (Jn 5,39)

A ses adversaires, Jésus reproche de ne pas écouter le témoignage des Écritures, ils la lisent « pensant y trouver la vie éternelle » (5,39), mais les Écritures ne donnent pas la vie, elles ne font que l’annoncer en Jésus. C’est à lui qu’elles rendent témoignage, mais « vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie. » (5,40)

Les chrétiens du temps de l’évangile de Jean, reprochent aux Juifs de refuser une lecture des Écritures où on peut reconnaître les traits de l’action de Jésus dans les annonces du Messie. « Votre accusateur, c’est Moïse. Si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, car c’est à mon sujet qu’il a écrit. » (5,46)

Juifs et chrétiens

« Les Juifs, dans leur lecture de la Bible, ne reconnaissaient pas la figure du Christ annoncée, selon les chrétiens, par ces mêmes anciennes Écritures. Après le Concile Vatican II, les catholiques sont encouragés à respecter la lecture juive de l’Écriture, une Écriture qui est aussi la leur. Les chrétiens admettent désormais qu’ils perçoivent le Christ dans l’Ancien Testament, non par sa présence objective, mais du fait qu’il se rend perceptible aux chrétiens par une lecture de l’Ancien Testament faite à la lumière du Nouveau. Lorsque le lecteur chrétien perçoit que le dynamisme interne de l’Ancien Testament trouve son aboutissement en Jésus, il s’agit d’une perception rétrospective, dont le point de départ ne se situe pas dans les textes comme tels, mais dans les événements du Nouveau Testament proclamés par la prédication apostolique. On ne doit donc pas dire que le Juif ne voit pas ce qui était annoncé dans les textes, mais que le chrétien, à la lumière du Christ et dans l’Esprit, découvre dans les textes un surplus de sens qui y était caché. Chacune de ces deux lectures est solidaire de la vision de foi respective dont elle est un produit et une expression. » (David NEUHAUS, Le dialogue juifs-chrétiens et la question de la Terre d’Israël, 2015)

Abbé Marcel Villers

La chronique de notre Curé du 30 mai 2021

Ceux-là sont fils de Dieu

Comme chaque année, nous voilà revenus en temps ordinaire et la liturgie nous propose d’être encore à la fête dans la suite du temps pascal ! C’est important : le mystère de la Trinité ne s’explique pas : il s’éprouve dans l’expérience croyante. De même que seuls ceux qui ont « mangé et bu » avec le prophète de Nazareth de son vivant, ont fait l’expérience de la résurrection, de même celles et ceux qui ont la foi peuvent appréhender quelque chose de Dieu toujours transcendant ! Ainsi se vérifie l’adage : lex orandi, lex credendi ! Ce qui fait loi dans la prière se fait loi dans la foi ! Ceci nous ramène à l’acte de foi, notre acte de foi ou nos actes de foi ? En qui croyons-nous et pouvons-nous placer notre pleine confiance ?

A l’époque du Deutéronome (deuxième loi), vers les années 620 avant Jésus, le peuple est dans l’incertitude : seul persiste le royaume de Juda (Judée actuelle) autour de Jérusalem. Le grand frère, celui de Samarie, a été laminé un siècle plus tôt par les Assyriens. Maintenant, c’est l’Égypte qui tente de remonter en puissance alors qu’à Babylone, un autre ennemi potentiel se dessine… En qui ? En quoi, en qui espérer? Le roi Josias tente une réforme nationale avec l’aide de servants du temple de Jérusalem. Cela passe par une centralisation du culte à cet endroit. Étonnamment, lors des travaux, des rouleaux attribués à Moïse réapparaissent ! Nous en avons un extrait dans la première lecture d’aujourd’hui (Dt 4, 32-40). Au passage, reconnaissons que nos Écritures suivent bien, dans leur rédaction, les tribulations de l’expérience croyante. C’est déjà un acte de foi d’y reconnaître ce que nous appelons la Parole de Dieu. C’est avec discernement et tradition que nous entendons le Tout-Autre nous parler au travers des textes bien situés dans l’histoire sainte. Lire la suite « La chronique de notre Curé du 30 mai 2021 »

La chronique de notre Curé du 14 mars 2021

Les merveilles de Dieu

Ne dit-on pas que le regard est le reflet de l’âme ? Quand nous sommes au mieux, nos yeux brillent et se posent sur la réalité pour la contempler et s’en émerveiller : une personne, une œuvre d’art, un travail accompli, un beau paysage. Que l’épreuve arrive et nous ne savons plus trop où regarder… vers quelqu’un pour avoir de l’aide ou de la consolation ? Vers l’avenir : est-il encore possible ? Vers le sol, sous le poids de la fatigue, du désespoir ? Un regard baissé peut aussi être un signe de honte devant un mal accompli. Rien de pire que le regard faux et fuyant de ceux qui s’obstinent dans leurs erreurs. Ne dit-on pas alors qu’ils sont aveugles ?

Dans la nature, s’il y a bien un animal qui avance à l’aveuglette, c’est le serpent. Doté d’une mauvaise vue, il avance à tâtons. Sa langue hyper sensible est le suppléant de son odorat. Son corps de rampant est fait pour le tout-terrain : il peut traverser des rochers comme des sables brûlants si pas nager quand c’est nécessaire. Cet animal, s’il ne nous est pas spontanément sympathique est un exemple formidable d’adaptation et de résistance. Ce n’est pas un hasard si bien des cultures l’ont pris comme symbole. Le cobra femelle était présent sur la coiffe des pharaons en signe de protection et de force intérieure : il représente le troisième œil qui nous aide devant l’adversité. A Epidaure, sanctuaire grec du dieu guérisseur Asclépios, les serpents abondaient et étaient vecteurs de la puissance du thérapeute… D’où le caducée qui représente encore aujourd’hui médecins et pharmaciens. Dans la Bible, nous connaissons bien la figure du tentateur (Gn 3,1) mais que tirons-nous de la scène de l’Exode où le bâton d’Aaron transformé en serpent engloutit ceux des mages de Pharaon (Ex 7.8-13) ? Avec simplisme, nous voyons un miracle ou un signe de supériorité d’une religion sur une autre et puis après… Nous omettons que l’enjeu est l’accueil d’une force de vie et de libération qui vient de Dieu. De même que le cobra se nourrit d’autres serpents, le Seigneur combat contre le mal pour ses fidèles ! Dans l’Écriture, Pharaon ne se convertit pas : « Cependant, le cœur de Pharaon resta endurci : il n’écouta pas… ». Ce qui est à l’opposé de ce que Moïse a fait plus tôt ! Au chapitre 4 de l’Exode, devant les doutes de Moïse, le Seigneur le pousse à la confiance et à l’action. « Qu’as-tu à la main ? », lui dit le Seigneur. « Un bâton » dit Moïse.« Jette-le à terre !» Il le jeta à terre : le bâton devint un serpent et Moïse s’enfuit devant lui. Le Seigneur dit à Moïse : « Étends la main et prends-le par la queue !» Il étendit la main et le saisit : le serpent redevint alors bâton dans sa main. « C’est afin qu’ils croient que le Seigneur ton dieu s’est fait voir de toi, Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac et Dieu de Jacob. » A sa manière, Moïse a fait l’expérience de la résilience dans la foi. Lire la suite « La chronique de notre Curé du 14 mars 2021 »

Clés pour lire l’évangile de Jean : 17. L’élévation

Dans cette série hebdomadaire, nous voulons fournir des clés pour ouvrir et apprécier le texte de l’évangile de Jean. Au coeur du carême, le sens de la passion et de la mort de Jésus nous est annoncé : Dieu a donné son Fils unique. Nous lisons Jn 3, 14-21.

17. L’élévation du Fils

La lumière est venue dans le monde et les hommes ont préféré les ténèbres. (Jn 3,19)

Crucifié par la haine, le Christ en croix révèle le sort que l’homme réserve à l’homme. La croix signe l’échec de l’amour et le triomphe de la haine. « Quand la lumière est venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres » (3,19). Et pourtant. Au regard de la foi, la croix du Christ révèle l’amour fou de Dieu pour ce monde tel qu’il est : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique » (3,16). Ce n’est pas pour juger ce monde de ténèbres et de haine que Dieu a envoyé son Fils, mais pour le sauver (3,17).

La croix est le grand signe dressé par Dieu au cœur de l’histoire et que tout homme est invité à regarder car il révèle à la fois l’étendue du mal dont nous sommes les acteurs et le grand amour dont Dieu nous aime. L’un et l’autre. Car l’un ne va pas sans l’autre : c’est au cœur des ténèbres que peut briller la lumière. Ainsi plus nous contemplons la croix du Christ, plus nous découvrons l’immensité de notre péché et plus nous est révélée l’infinie richesse de la miséricorde divine.

Le serpent de bronze élevé par Moïse

« La nouveauté que Jésus apporte a besoin d’être accomplissement des Écritures. Le serpent élevé dans le désert (Nombres 21,4-9) arrachait à la mort les Hébreux infidèles. La mort qui menaçait le peuple tenait à son incroyance, mais celui qui regardait le serpent de bronze élevé par Moïse était sauvé de la morsure du serpent. Le rite sauvait non de façon magique, mais par la foi en Dieu. « En effet quiconque se retournait vers le serpent était sauvé non par l’objet regardé, mais par toi, le sauveur du monde » (Sagesse 16,7) La référence à l’épisode du serpent rattache la venue de Jésus aux événements de l’Exode et fait de Jésus le nouveau Moïse. » (Alain MARCHADOUR, L’Évangile de Jean, 1992)

Abbé Marcel Villers